9 Lieu sans lieu, suspendu, en attente, qui laisse venir le jour pour l’éveiller toujours à temps et la nuit étoilée pour murmurer un nom.8 La peinture noire de la rambarde est écaillée. La couleur de la rouille invisible dans le noir. Souvent elle veut savoir la couleur des choses. Lui, dans la nuit, ne fixe qu’un point. Lui, seul, dans la nuit, ne cherche qu’à l’horizon, loin, la fréquence d’un phare toujours là. Longtemps, puis il parle aux étoiles.7 Un lit qui n’en est pas un. Deux matelas de plage sur un transat de bois exotique. Toujours chasser gentiment les chats qui s’y endorment ou le chien qui pourrit tout. Hors-lieu, hors le temps, hors les bruits, la couche lui convient qui le met hors de chez lui, sans toit, ailleurs, comme suspendu, comme en attente, sans toi.6 Hors-lieu familier, rituel. Passage obligé des saisons chaudes. Lieu sans abris, inadapté au mauvais temps. Sur les murs, surprendre la course d’un gecko. Au sol, des fourmis font disparaître le cadavre d’une guêpe. Un chat fasciné par le vol d’un papillon. Un autre s’amuse des feuilles mortes que le vent anime. Une mouche se noie dans le bol d’eau des chats. La gamelle du chien attire les guêpes.5Terrasse scène d’un crime dont il écrit la mise en scène, le mode opératoire et choisit les acteurs. Écrire, c’est fomenter, y compris contre soi, un complot choisi, une conspiration acceptée, une mort voulue. Deux amis, deux complices au-dessus de tout soupçon : Un médecin, un policier. Une seule injection. Irréversible. Tout prévoir. Tout choisir. Pour une fois au moins. Se terrasser sans violence, sans douleur inutile. Dans le matin, ne plus entendre les oiseaux annonçaient l’aube.4 Un cendrier à vider, du linge sur l’étendoir à rentrer, un portail de métal qui a besoin d’une couche d’anti-rouille, la table dont le bois a trop souffert du soleil et de l’humidité, deux plantes en pot qui ont soif, une branche du bougainvillier qui gène le passage. Tout ce qu’il y a faire saute aux yeux mais ne déclenche rien. Voir les tâches et n’y rien changer. Être là sans y être,comme suspendu, comme en attente.3 Boire parfois ou fermer les yeux, s’étirer, s’allonger, se cacher du soleil derrière un voile léger. Il est encore trop tôt pour faire ce qu’il y aurait à faire. S’endormir à nouveau et se sentir coupable.2 Un long grand bois flotté occupe tout un angle de la terrasse, totem terrassé à tête de serpent, de dragon ou d’oiseau selon le point de vue choisi. Par ce moyen ils se touchent, joignent leurs mains, se savent réunis, possibles, présents.1 Un chat, un seul, le seul mâle des trois, vient toujours sur lui quand il s’installe pour fumer, boire ou lire. L’animal présente son ventre, offre son poitrail aux caresses. Rituel toujours.0 Il est encore trop tôt pour ne plus vouloir entendre les oiseaux annoncer l’aube. Il pense aux chats et au chien pour lesquels il devra assurer sa succession. Il pense aussi qu’elle et lui ont encore de beaux bois flottés à découvrir sur les plages, que les îles dont ils ne savent rien sont nombreuses, que leur amour vient à peine de naître.
Il est beau ce texte de si bon matin, merci.
J’aime votre terrasse et le temps qui s’étire.
« Hors-lieu familier, rituel. Passage obligé des saisons chaudes. Lieu sans abris, inadapté au mauvais temps. Sur les murs, surprendre la course d’un gecko. Au sol, des fourmis font disparaître le cadavre d’une guêpe. Un chat fasciné par le vol d’un papillon. Un autre s’amuse des feuilles mortes que le vent anime. Une mouche se noie dans le bol d’eau des chats. La gamelle du chien attire les guêpes. » jours en haiku. Touchée par ce monde à fleur de bêtes et de bois qui flotte