1-Dans le train pour Paris, je m’installe voiture 15, fauteuil côté couloir, soulagé d’être arrivé à temps. La sueur sous mes aisselles refroidit à peine, laissant une auréole sur mon t-shirt blanc. 2- Mon voisin est tourné vers la fenêtre, il ne me montre que son dos. Cela me laisse tout le loisir de l’observer: cheveux blonds qui lui tombent dans la nuque, chemise à carreaux matelassée, jean-basquet. Il a l’air très grand, doit avoir la trentaine. 3- En face de lui un nerd est en train de connecté tous ses appareils, casque sur les oreilles, larges lunettes, yeux collés à l’écran devant une pluie digitale, ipad et téléphone en main. 4- A ses côtés, une cinquantenaire rondouillarde qui après avoir longuement hissé sa valise, est assise satisfaite, un sac en papier gras reposant sur son ventre. Elle le déplie pour en sortir une à une des chouquettes qui font le voyage de sa main a sa bouche en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. 5- Le ciel s’est obscurcit, malgré la chaleur, les nuages bouchent la vue et on dirait que le temps est à la pluie. 6- Le train desservira les gares de Schiphol, Rotterdam, Bruxelles-midi et prendra son terminus en gare de Paris-Nord. 7- Deux hôtesses discutent dans le couloir, l’une d’elle est drôlement contente de voir un train plein. 8- La voiture restaurant est juste après la notre, c’est un défilé constant. Les gens vont et viennent, hésitent au moment d’ouvrir la porte. 9- Je les ignore, j’essaye de lire un roman policier japonais, il m’a été conseillé pour son originalité, on ne cherche pas l’assassin cette fois. 10- Il s’est mis à pleuvoir à l’arrêt Rotterdam. Le vent souffle, s’engouffre entre les wagons et résonne. 11- Madame Chouquette frissonne et se raccroche à son sachet. Elle me lance un regard désespéré. 12- Un retard de trente minutes a été annoncé. Le wagon restaurant ne désemplit pas, il y a la queue jusqu’à moi désormais.13- Mon voisin a sorti un magazine aux pages glacées. Beaucoup de publicité à l’intérieur, je me demande si c’est ce que sont devenus les journaux papiers. Une vitrine pour vendre des produits. 14- De l’autre côté du couloir, un couple est monté à Schiphol. L’homme est immense et silencieux. La femme n’a pas arrêté de parler depuis qu’ils sont assis. Je ne comprends pas le néerlandais. Je me demande s’ils sont un couple, des amis ou frère et soeur. Impossible de le savoir dans leur langage corporel. Je me demande comment elle peut avoir autant de choses à dire. L’homme acquiesce de temps en temps mais n’ouvre quasiment pas la bouche. 15- Les gens revenant du wagon restaurant passent à côté de moi. Le train les fait tanguer, leur café bouillant manquant de se renverser sur moi à chaque faux pas. Je protège mon visage avec le livre que je tiens. La littérature comme protection contre le monde. 16- Mon voisin nerd est tres concentré sur son écran. Il est immobile, seules ses phalanges remuent sur les touches de son clavier. Il va très vite, le bruit ressemble à un fourmillement. Mais l’image est comme deux grosses araignées qui bougent leurs membres d’un côté à l’autre du clavier. Elles ont une vie parallèle, ne se rencontrent jamais, chacune explorant le territoire qui leur est imparti avec détermination. 17- Arrêt à Bruxelles, le couple bavard descend, non sans avoir dégagé leur valises avec antelation. Ils ont mangé des sandwichs au jambon et commandé des cafés. Je les regarde longer le quai, toujours en grande conversation, chacun tirant une valise à roulette. 18- Madame Chouquette est plongée dans la lecture d’un guide touristique sur Paris. Elle en a même deux et elle alterne de l’un à l’autre. L’un est dans ses mains, quand l’autre repose sur la table à portée de main. 19- Un nouveau couple, des retraités s’installent sur la table à côté, laissée libre. Madame Chouquette s’incline et leur dit bonjour dans un mauvais français. Ils se regardent surpris. 20- Mon voisin de table s’est détendu maintenant, le roulis du train, les conversations lointaines, la chaleur, il s’est endormi contre la fenêtre. Comme si c’était contagieux, je pose mon livre sur la table et laisse ma tete retomber sur l’accoudoir.
Super ce voyage en train qui aurait pu continuer encore et encore…
Ah ce Paris Amsterdam ou l’inverse, destinations que j’aime.
Très joli moment original que d’être avec vous à voyager, merci.
« La littérature comme protection contre le monde. » Très jolie phrase.
Au plaisir de se croiser dans le Thalys alors. C’est inachevé, j’y reviendrais sans doute. Merci de votre lecture et de vos commentaires.