Si tu ne sors pas de là je viens te chercher moi-même, l’adulte est là, il est grand, sa voix est grave et sans tendresse, c’est la dernière fois que je te le dis, sors de là, non, comment non, tu fais l’insolent, sais-tu qui des enfants ou des adultes décident ici, non, l’enfant s’obstine, non non je viendrai pas, tu es haut comme trois pommes et tu te prends déjà pour un caïd, un caïd en devenir c’est ça que tu es, ça te fait rêver les petits merdeux qui résistent aux flics et qui se flinguent dans les quartiers, l’enfant a à peine huit ans, il est sous l’escalier, protégé, inaccessible, roulé en boule, je veux pas, je veux ma maman, ta maman non mais je rêve, la voix se fait narquoise, ce gamin pleurniche en réclamant sa maman, tu es au courant qu’il y a un cordon qu’il faut couper, t’es pas bien ici, je veux ma mère, ah ta mère maintenant, tu sais ce qu’elle en dirait ta mère si elle te voyait comme ça, comme un petit rat qui pleure de trouille, je pleure pas, dis pas le contraire je les vois tes larmes, je pleure pas je te dis et j’ai pas la trouille, l’enfant s’étrangle, je veux pas sortir, te suivre, je veux pas, j’ai pas peur de toi, je te déteste, j’en ai assez, laisse-moi tranquille, te laisser tranquille, je ne demande que ça, mais tout le monde t’attend, tu retardes tout le groupe et toi tu ce que tu trouves à faire c’est te coincer la bulle dans le couloir, en plein courants d’air, je veux pas y aller, je veux ma mère, l’enfant renifle, je m’en fous du groupe, de tout je te dis, la voix se fait plus basse, très bien, la main tire sur la manche, non, laisse-moi, non, non, je veux voir ma mère, ta mère n’est pas ici, pour l’instant tu viens, de gré ou de force, lâche la rampe de l’escalier, lâche, tu vas te faire mal, tu me fais mal, si tu étais plus docile je ne serais pas obligé de me plier deux pour te déloger de là, allez viens, non, l’enfant lâche la rampe, se redresse comme un zébulon, il se sauve, t’as qu’à m’attraper, reviens tout de suite, reviens tout de suite ou… L’enfant rit.