Au terme d’un long processus, l’humain s’enracina. Il lui fallut peu de temps avant de commencer à balayer devant sa porte et le balai s’installa au sein du foyer. Il traine toujours dans un coin de la maison. A la fois pour l’avoir à porter de main mais aussi pour le coincer dans l’angle, afin de contrer sa fâcheuse tendance à glisser le long des murs. D’une grande simplicité, naturel avec son manche en bois de frêne et son faisceau de fibres de paille ou de brindilles de bouleau, on en distingue cependant divers modèles : le passe-partout en coco naturel avec son dos plat ; le balai demi-tête, pour les intérieurs en parquet, à poils doux en nylon ou en soie – étrange raffinement pour cet objet qui fut rarement confié à des mains délicates – ; le cantonnier avec sa brosse rigide en PVC pour les surfaces dure et rugueuses ; le balai à franges. Aujourd’hui, l’original en herbe de sorgho est de retour, labellisé éco-responsable.
Balayer implique un geste sûr, une posture corporelle souple et d’avancer par petits mouvements réguliers pour ne pas disperser à nouveau les poussières que l’on borde au fur et à mesure en petit tas. En intérieur, le balai produit un son très léger, feutré et aérien : « sweep – sweep » comme l’a si élégamment noté la langue anglaise. Mais il est parfois revêche quand il gratte, besogneux, de sa brosse synthétique et insupportable dans sa version électrique.
Le balai accompagne la rêverie lorsque, fatigués de le manœuvrer, nous posons notre paume sur le haut du manche puis notre menton sur le dos de la main, méditatif, l’esprit flottant avec les minuscules particules suspendues dans un rai de lumière. A noter que la souffleuse thermique rend la tâche ingrate au cantonnier qui au nom de l’efficience dut troquer les longues flâneries contre un rendement toujours plus grand. Également doté de pouvoirs occultes, le balai emmenait autrefois dans les airs, les nuits de pleine lune, des êtres maléfiques aux projets obscurs
Décidé, un bon coup de balai, de l’intérieur de la maison à l’intérieur de soi, permet de faire place nette, d’y voir plus clair.
Du balai !
Goût partagé du balai (et de votre musique que je viens d’écouter pour la première fois) Bravo
Bonjour Danièle,
merci pour le commentaire, la manipulation des objets est parfois source d’étranges phénomènes.
Et merci pour l’écoute. Ce disque est le fruit d’une commande de l’artothèque de Vitré à Nicolas Comment autour de Bernard Lamarche-Vadel. La musique accompagnait initialement l’exposition « la visite ».
J’aime beaucoup ce texte très léger : vos mots ont cette petite musique qui rend sympathique cet objet que l’on n’a pas forcément envie de côtoyer au quotidien… Pour un peu, on l’inviterait chez soi ! Et la photo qui l’accompagne est bien trouvée.
Bonjour Zoé,
merci pour ce commentaire. Le balai peut-être aussi un excellent partenaire de danse.
De l’humour dans l’introduction et puis cette image si parlante du rêveur presqu’endormi sur son balai. Voyage dans le temps aussi, dans l’espace, dans les mondes. Il renvoie à soi, à sa pratique du balai. Histoire que mon père racontait parfois. Qu’il avait quitté notre mère même si elle avait peu de défauts. Mais en tout cas un qu’il ne supportait pas ; après avoir balayé, plutôt que de mettre les crasses à la poubelle, elle les relégait sous le tapis. Eh oui, ça existe ! Et pas que dans les BD. Le balai, dans mon imaginaire est toujours coloré de cette histoire qui ne paraît toujours si peu vraisemblable et à la fois si drôle !
Bonjour Sybille,
merci pour ce partage personnel. Étonnante histoire. Je n’avais pas pensé à cet aspect du balai : mettre sous le tapis ce qui nous encombre.