De chaque côté de la route, s’étendaient champs cultivés de colza et de betteraves à sucre bordées mais des plantes adventices partaient à l’assaut des talus comme des petits soldats vigoureux : coquelicot, circe, chiendent, ortie, liseron, pissenlit, moutarde, trèfle blanc et fleur de lin. Vingt cinq ans après, les séquelles de la Grande Guerre étaient encore visibles car des centaines d’hectares restaient à désobuser du côté du Mont Renaud. En mars 1918, l’artillerie française, pour tenir à tout prix ce dernier verrou avant Paris, avaient pilonné Noyon à coups d’obus. Plus de sept cent hommes étaient morts, leurs jeunes vies fauchées sur cette terre fleurie et montueuse, abandonnés comme des jouets cassés, pantins couleur grisaille, casqués d’acier, équipés de masques à gaz. Maurice le père d’Yvonne, avait échappé au Verdun Noyonnais grâce à ses yeux très myopes. Mais il était allé à la guerre tout de même, en garnison à l’arrière, du côté de Nîmes. Restée Paris avec sa mère, Yvonne résumait ses années d’enfance en disant : j’ai vécu sans père.
