Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ne cesse t’elle de dire quand elle n’a plus aucune nouvelle de ses enfants. Même pendant plusieurs semaines, même pendant plusieurs mois. Cherche t’-elle à se rassurer ? A ne pas voir qu’elle n’est pas si aimée, dans le fond, pas si aimée… si on ne prend pas la peine d’appeler, d’écrire quelques mots, de penser à l’autre, c’est tout de même qu’on s’en fout un peu, non ? « Ah, tu n’as pas de nouvelles ? Pourtant elle est partie il y a longtemps ». Pas de nouvelles, bonnes nouvelles redit-elle comme pour chasser les questions que je ne pose pas vraiment mais que je laisse malgré tout entendre. Dieu, que je hais cette phrase, que je hais, que je hais ma mère lorsqu’elle prononce ces mots, entre autre…. Le monde est un jeu d’échecs et nous ne sommes que des pions aimaient-ils à nous dire, à nous les enfants qui devions trouver un chemin pour vivre, l’école ne sert à rien, les profs sont des nuls… pas la peine de faire vos devoirs ni d’étudier disait mon père dont l’idée seule de suivre le travail de ses enfants ne le préoccupait tellement pas qu’il nous envoyait jouer au jardin sans réviser. Et de ne pas se préoccuper des mots, des heures de colle, des renvois successifs que nous subissions, jour après jour, année après année, prétendant nous en foutre, subjuguées par ces paroles si rebelles et si provocantes. A quoi bon puisque tout était joué d’avance ! Nous n’étions que des pions.. et n’étions que des enfants et on le sait, les enfants doivent écouter leurs parents et croire en leurs parents et aimer leurs parents ! De toute façon, tu es une jolie fille, la seule chose que tu as à faire, c’est de trouver un homme riche, un peu bête, mais fou amoureux de toi…c’est vrai, un peu comme Mme Bovary dans Flaubert. Un bon gendre et tu pourras être une parfaite maitresse de maison, t’occuper des soirées, du personnel. Les jolies filles n’ont pas besoin d’être intelligentes, ne t’inquiète pas. Et si tu viens à le tromper, n’oublie pas de lui rapporter des fleurs. Je n’ai jamais oublié de rapporter les fleurs au fur et à mesure de mes amants, je n’ai jamais montré mon vrai visage, perdu, blessé, meurtri pendant des années, un sourire continuel j’ai arboré, la jolie fille, facile, heureuse j’ai joué, de peur de les voir partir, de peur de les voir découvrir…. Ecoute, si je t’ai élevé à la cravache, c’est parce que je ne voulais pas me salir les mains, tu comprends ? me dira t’il des années plus tard, prétextant de ne plus trop se souvenir qu’il m’avait frappé et trouvant même que j’exagérais mes propos. Et le nombre d’amants à qui j’ai demandé de me frapper car l’amour rimait avec coups, tu les comprends ? Et le nombre de thérapeutes, kinésithérapeutes, et autres médecins que j’ai consulté pour me soigner, tu les comprends ? Et le nombre d’enfants que j’aurai bien tapé en les gardant, tu les comprends ? De toute façon, ta mère est folle, c’est elle qui est partie, c’est elle qui a brisé la famille….Elle avait peut être de bonnes raisons, non ? Quelles raisons ? Tu verras un jour elle se mettra à genoux et viendra me supplier de la reprendre. … Et comment va ton père ? me dit-elle. « Je ne sais pas, appelle le. » Ah non, c’est à lui de le faire après tout ce que j’ai subi ! « Enfin, tu n’as pas complètement détesté, 25 ans, 4 enfants, tu n’étais pas obligée… ».Oui, mais les convenances dont il parlait, n’étaient plus là, il ne travaillait plus. Où était ma piscine, ma grande maison, tout ce qu’il promettait et qui aurait dû faire partie du contrat ? Je reste sans voix devant ses larmes amères, ne la prend pas dans mes bras, n’en éprouve même pas l’envie, rien, trop tard, plus d’amour. De toute façon, je ne comprends rien à ta mère, à tes soeurs, aux femmes, elles sont toutes folles, tu comprends ? Non, je ne comprends pas ai je envie de lui balancer à la figure, mais ne le fais pas. A quoi bon ? A t’il seulement envie d’entendre la réponse ? Deux galères ne font pas un bon bateau m’a t’il déclaré lorsque je lui ai présenté mon amoureux, mon prince de mes jours, l’homme qui allait m’aidait à me construire, qui allait m’aimer et faire sa vie avec la mienne. Il n’a pas d’argent, rien, on dirait une serpillière a t’il continué.
Dans le silence qui a suivi, devant cet homme qui m’avait engendré, pour la première fois et à cet instant précis, j’ai osé parler, m’interposer, dire les mots rêvés. « De toute façon, c’est lui que j’ai choisi, donc soit tu es intelligent et tu le rencontres, soit tu restes un con et c’est toi que je ne vois plus, c’est tout, c’est comme cela désormais ».