L’homme est nu, ne sent plus rien entre lui et la dureté du monde. Ni chaleur, ni fourrure, ni terrier, ni tanière. Les battements de son cœur éprouvent douloureusement les parois de son corps. Sa solitude trouve un écho vertigineux dans cette toundra qui s’étire à l’infini. Ici, rien n’arrête l’œil et cela le rend aveugle. Sous ses pieds, sous la pierre froide, sous l’herbe mouillée et l’humidité insidieuse de la terre, il y a Saivo, le monde inversé mais il ne le voit pas. Là, il fait bon vivre. Le soleil y est doux et chaud, quelque soit la saison. Les rennes sont gras, les fourrures longues et épaisses, les troupeaux, immenses. Les êtres qui habitent ce pays à l’envers, dont les tentes pendent, la tête en bas, sont les gufihtars. Merveilleusement beaux et bons, joyeux et débordant de vie, ils sont juste un tout petit peu plus petits que les humains. S’il y a des gufihtars quelque part, c’est que, sans le moindre doute possible, il y a, pas très loin, des humains. Mais l’homme ne les voit pas. Pour l’instant, il est seul. Les humains, eux, ont les gufihtars. Est ce à dire qu’il n’est plus humain ? Il marche vers son centre, le regard pointé vers l’interieur. C’est pourquoi il ne voit pas non plus la route cachée derrière l’horizon des collines. Elle traverse la toundra puis pénètre la taïga. Elle se subdivise en d’autres routes, le long desquelles il y a des villages, des fermes isolées, des bâtisses abandonnées. Ensuite, elle se perd, au loin, dans une succession infinie de mondes. De là où il se trouve, l’homme ne peut plus ni voir, ni imaginer ces lointains. Il marche vers son centre, le regard pointé vers l’interieur. Ainsi, se dérobe à sa vue le terrier du renard, le nid de l’aigle, les galeries des lemmings, la tanière du loup, la chambre du fermier, le feu qui crépite doucement dans la cheminée, la table dressée et la nourriture fumante, la caresse de la compagne, du compagnon, le sourire de l’ami, le babil des enfants……. Le chez soi de toutes ces vies. Lui n’a que le permafrost sous ses pieds, le vent au dessus et l’abime devant, dedans. Tout le reste a disparu. Il faudra pourtant qu’il se retourne, sous peine de mourir gelé. Il ne peut rester ainsi, nu. Les hommes nus ne survivent pas. Est ce que les renards ont aussi des gufihtars pour réchauffer leur monde ?
https://www.youtube.com/watch?v=kprl0CECykA&t=18s
et l’homme n’avait pas la voix pour le tenir juste à la surface du monde
Peut être viendra t’elle ? Surement.
Magnifique, plongée intégrale, sans fond sonore, ça je n’y arrive pas, mais peu importe, c’est beau. Merci Laurent !
Merci beaucoup Isabelle !
Superbe. Merci Laurent.
Salut Ugo. Merci à toi !
Saisissant….merci
Heureux que tu aies aimé Marie-Caroline . Merci à toi !
Un envoûtement sinon rien. Merci !
Oh merci beaucoup Cécile 🙂
Ton verbe est tellement précis qu’on le ressent immédiatement ; tout est dur, touchant, limpide et envoûtant, surtout avec la nappe musicale en fond : vivement la suite !
Mille merci pour ce si beau compliment, Ysa Lou !
Il marche vers son centre. Tout le texte invite au voyage…
Bonjour, et je sors de ce texte avec une question qui mérite accumulation, vais-je la tenter ? Où les renards nus se cachent-ils pour se réchauffer ?
Belle plongée dans un univers, belle flânerie dans une pensée qui devient lieur !
Je n’ai pas la réponse à votre question mais elle m’en rappelle une autre, un titre de chanson : « Où vont les chevaux quand ils rêvent ? » Merci de votre message. 🙂
Nous sommes partis tous les deux sur des chemins parallèles qui pourraient bien résonner l’un pour l’autre…
je me tiens aux aguets, reviens vers toi bien sûr…
Oui, j’ai lu ton vagabond, moi aussi vais le suivre, en parallèle.
Je suis parti très très loin. Lu avec la musique, j’ai l’impression de revenir d’une expérience chamanique
Oh merci beaucoup pour ce retour. je suis très heureux que l’accord texte-chant aie fonctionné à votre oreille. 🙂
Je te lis et j’entends la musique. Les musiques. Merci de m’aider une fois encore au paradoxe indispensable de l’oralité dedans l’écrit. Cela me parle de Martine. Et de toi. Et rencontre tout ce que je lis de l’écopoétique et de la littérature du vivant en ce moment. Le défis de cela, son voyage.
Je marche moi même à l’aveugle dans ce paradoxe de l’oralité dedans l’écrit. <3
simplement planant, merci
Merci Lisa. 🙂
Lu avec la peau. Si riche impression. Sans musique exterieur qui n’arrive pas, mais sans nécessité puisqu’on marche vers son centre de concert. Merci, Laurent.
Lu avec la peau. Si riche impression. Sans musique exterieur qui n’arrive pas, mais sans nécessité puisqu’on marche vers son centre de concert. Merci, Laurent.
Commentaire pas parti, et musique arrivée et donc relu. Merci
Merci à toi Anne. 🙂
Tout ce que la terre contient de légendes, de mondes inversés… hâte de la lire la suite!
Merci Michael.:-)
Magnifique Laurent
un texte qui met à nu ! merci Laurent