la fenêtre est fermée, le volet claque, le vent de l’océan transporte les vagues sur des rêves d’enfant,
dans la maison familiale à l’heure de la sieste obligée, au plafond de la chambre, l’ampoule a bougé, un seul, un énorme bruit, c’est un tremblement de terre dit le père
en pleine mer le mouvement incessant du bateau, l’envie de vomir permanente, allongée sur le lit de cette belle cabine, seul mon estomac captive mon attention, je pense à Christophe Colomb, aux grands navigateurs, je prends leur courage
il y a les lits en enfilade, un grand dortoir, puis un box avec un seul lit, une petite cloison la séparant d’un autre box, c’est étroit, un petit lit, une petite table de nuit, nous ne lisons pas avant de nous endormir, la sœur surveillante a éteint la lumière, je ferme les yeux, les paupières humides
la trouille au ventre, vouloir être ailleurs, mais pas là, les deux moniteurs m’ont laissé le choix, j’ai choisi le côté droit de la tente que nous partagerons pendant une semaine, c’est ma première nuit avec eux
loin de ma maison le bruit des wagons sur les rails, l’étroitesse de la cabine, la propreté rudimentaire, je ne veux pas poser les pieds par terre, je m’allonge sur la banquette du bas en dessous de laquelle sont rangées les valises
une petite chambre avec un bureau couvert de papiers, de journaux, avec aussi un grand bocal de bonbons à la menthe, le lit est contre le mur, en sécurité sous le gros édredon, je rêve de grandes tartines à la confiture d’abricots
en haut de l’escalier il n’y a pas de porte en bois, juste une porte coulissante en accordéon en gros plastique jaune assorti à la couleur de la tapisserie dont les motifs ressemblent à des larmes de toutes les couleurs, la pièce est petite, le lit est grand, c’est un lieu de passage pour accéder aux autres chambres
une grande armoire, dépositaire de secrets, la grosse clef trop lourde pour la serrure est prête à tomber, le vernis du bois du lit style Henri II est recouvert d’une fine couche de poussière, par la fenêtre trop de lumière, les cris d’un bébé
à gauche, au bout du corridor dans une maison inconnue la porte est toujours fermée, ici on ne dort pas, il y a une bergère, le piano ne joue plus, la table regrette les jours de fête et les cris d’enfants, je rêve de ce rêve où souvent je m’endors.
« Je rêve de ce rêve ou souvent je m’endors » : j’aime me laisse bercer dans le rythme hypnotique de cette conclusion (sans le « de » les douze syllabes seraient-elles plus évidentes ?).
laisser* par*
Merci Clément pour votre commentaire. Et bien oui je me laisse séduire par votre proposition, sans le « de » ce n’est plus tout à fait le même sens mais cela me plait bien l’évidence des douze syllabes ! Une douceur …
Venue d’Aleph aussi. Beaucoup aimé. Pris force et assurance à votre Perec très visuel et vos souvenirs personnels éveillent les miens cachés sous les lits. Merci.
Merci Anne pour votre lecture et vos mots qui rassurent.
toutes ces chambres que nous devons faire nôtres (et toutes ces fois où sans le vouloir nous y arrivons)
Oui c’est vrai Brigitte, les obligées, les décidées, les imprévisibles, la vie
Merci