Aux Vacillantes ( 2 )

Rashed Al Shashai / A Concise Passage Al Ula, Saudi Arabia,
( Image courtesy of Lance Gerber, the artist, RCU and Desert X )

Parfois
La nuit
Trébuche
Un corps
Drapé
De noir
En chute
Voltige

Un instant
Lui suffit
Pour tomber
Sur les rues
Des baraques
Alors vides
De court prises
Piégées

Car piègeuses
Ces nuits de lames
Sont un clin d’oeil
Leur paupière
Sitôt fermée
Peut grand s’ouvrir
Sans crier gare
Et bas les masques

La foule fiévreuse
Tout électrisée
Par la circonstance
Rare et dangereuse
Elle est apparue
Comme issue des murs
Née du sable même
Une masse insecte

Si dans un grognement
Entre deux rêves lourds
L’oeil du jour s’entrouvrait
L’éclair aurait tôt fait
De faucher dans son flash
L’agora frénétique
Soudain prise surprise
Honteuse, bave aux lèvres

Chauffée à blanc par l’attente
Certaine d’être bientôt
Arrêtée net dans ses courses
La foule des mille têtes
Unies dans un même élan
Dans ces nuits particulières
Les court dans le même sens
Que la trotteuse des montres

Creusant au sol des Vacillantes
L’unique circuit praticable
Sous l’effet de leur ronde folle
Il tourne en sillon, en tranchée
Autour des podiums et des scènes
Où s’arrache dans la fureur
(On jette l’argent au passage)
Tout ce qui est là présenté

On embarque au cœur de ces nuits d’encre
Les esclaves les plus amochés
Auxquels manquent les dents de devant
La force et parfois une main même
Tout est bon pour la voracité
Qui s’empare des corps et des âmes
Sous l’effet du temps qui presse et manque
Pour l’aveugle cohue infernale
Le laid devient beau, le déchet, cher

Dans la gloire inversée de ces rebuts
Les guetteurs de lune scrutent le ciel
Ils appellent de leurs vœux la venue
Du rayon unique qui montrera
La répugnante reine d’une nuit
Leurs intercessions coûtent aux marchands
La part du lion de leurs ventes d’un mois

Mais la pauvre créature élue
Comblera son vendeur de pouvoir
D’or et appauvrira à mesure
Son acheteur jouet du hasard
Dans l’éclat de lune c’est son chiffre
Faramineux qui l’a emportée
Pour l’heure Il exulte et paie à boire
Grand prince à ses rivaux déconfits

Sur cette enchère magistrale
On clôt d’un coup de gong en bois
Les échanges vibrionnants
À l’aveuglette du marché
L’obscurité complète encore
Dissimule à leurs propres yeux
Traits creusés des visages sales
Les acheteurs et leurs achats

Les sorcières sont finaudes
Et mieux que les guetteurs savent
Invoquer à point nommé
La lune qui affranchit
Celle qu’elle a effleurée
La couronne de sa grâce
Masquant secrets et pouvoirs
Nimbés d’ingénuité

Fors de retour au port
Une fois qu’il fait jour
Force est de constater
Pour le présomptueux
Qui l’avait emportée
Qu’à son heure de gloire
Le désarroi succède

Comme au coin d’un bois
Comme un débutant
Il s’est fait jouer
Et la vérité
Amère, cruelle
Dans ses yeux éclate
Hideuse et terrible
Chez lui vit un monstre

Le mistigri
Des Vacillantes
Il l’ a acquis
De son plein gré
Payé en or
Sa terreur seule
Peut égaler
Son ridicule

Elle est là
Qui le toise
Araignée
Amusée
Par ses yeux
Effarés
Son erreur
La sorcière

La goûte
Sans hâte
Jamais
Sans elle
Chez lui
Ailleurs
Jamais
Sourire








A propos de Emmanuelle Cordoliani

Joue, écrit, enseigne, met en scène et raconte des histoires. Elle a été décorée par Beaumarchais ( c'est un raccourci mais pas une usurpation ) et elle travaille avec la même équipe artistique depuis des lustres ( le Café Europa ) ce qui fait sa fierté et sa joie. Voir et explorer son site emmanuellecordoliani.com