Sols

Tout se tient, s’incorpore, s’amasse, s’accumule, s’entrechoque, bord à bord, face à face, lisse et brûlant du jour entier, du jour qui part, de sucre, de silex, de grès, de cristal, de mica, de caramel, de verre pilé, qu’on s’érafle les paumes aux arrêtes effilées, puisque bascule et déclenche un mouvement de masse, des coups de cymbales, de caisse claire et s’accentue la vague, en digue, en dépression, en trou béant sur la terre brune et poudreuse, mais tout se tient, encore, disjoint, se resserre, s’encastre, indissociable, s’insère aux interstices, se substitut, se décale, glisse, nivelle par le bas, ratisse large, tout se retient, tout s’efface, s’oublie et s’éparpille sur une dalle, la peau de béton ombrée, l’île rectangle, la fissure, l’insecte déboussolé sous les fleurs d’hortensia, un masque africain rouge et noir sur le dos, un brin courbé dessus la bordure, un pont de singe, la jungle, une corniche, une enfance californienne, une enfance caribéenne, une enfance himalayenne, sur du bois mort, sur une flaque, des mégots plats à la dérive, qu’on s’enfonce dans la laine, dans l’herbe des coteaux, dans le sable rosé, dans les aiguilles de pin, dans les arabesques du tapis de musique, dans les spirales minuscules, s’agrègent des pollens aux monticules, qu’on s’enfonce des échardes aux lames larges, qu’on protège les empreintes, et génère les ravines où les chardons repoussent, et brise les bogues, et les torsades des plaques rouillées, les racines, les coquilles vides, et plisse les pellicule d’aluminium, les bouteilles plastiques, les genoux dans le bitume pour qu’une figurine perde l’équilibre, bille en tête, qu’on reprenne souffle au bout d’une course sans limite, ça tient à ça, la neige, sur les galets, un coup de vent, un coup de balai, avec une araignée en fuite dans la mosaïque asymétrique, et la tâche qui ne part pas, ça quadrille la lumière, ça raye le reflet, et ça craquelle, rien sans le déplacement du sachet blanc, rien sans méthode, sans lire l’inscription, sous la feuille morte, la trace sous la main d’un enfant du terre-plein, sous le dos, sous le ventre, une pierre et le ciel.

A propos de Antoine Gentil

Enseignant spécialisé auprès d'adolescents en ruptures sociales. Anime des ateliers, écrit du théâtre et des textes de chanson.

2 commentaires à propos de “Sols”

  1. Images/ textures/ mouvement … ( je n’ai pas trouvé comment on modifie un commentaire )