Je, c’était le printemps ou alors l’été
je, il s’était subitement mis à grêler
je, ça tapait contre les carreaux
et je, la fenêtre perçait.
Je, c’était la panique,
je, la mère affolée,
je, se tournant vers moi
et je, la regardant désespérément.
Elle, aurait tout fait pour la mère
Elle, aurait tout donné pour l’aider
Elle, aurait porté sa peine,
Elle, aurait mangé sa douleur.
Je, la regardant,
Je, la voyant bouche bée devant l’hémorragie
Elle, la maison comme un bateau qui prend l’eau
Elle, la mère qui sombre avec lui.
Elle est là, à le regarder, lui, en face, de derrière le rideau, je le regarde. Il est jeune, ou très vieux déjà, il n’a pas d’âge, il a trente ans peut-être. Il est là, en face, sur le pas de sa porte, sur son pas de porte et je le vois. Je le vois ne rien faire. Il ne fait rien. Juste un café au lait dans la main. Qu’il boit sur le pas de sa porte. Comment boire un café toute une journée sur un pas de porte. Elle se souvient d’un livre, un roman, où des paysans russes attendent tout le jour sur un lac gelé que quelqu’un revienne. Et quand elle sort de chez elle, il est sur son lac gelé. Comme un paysan russe, il la regarde. Oui, il me regarde. Et je l’entends me regarder. Il me hèle. La bave coulant au creux de ses commissures de lèvres, il dit mon nom. C’est mou. Il a le parler mou. Je n’aime pas qu’il dise son nom de cette façon, je n’aime pas qu’il connaisse mon nom. C’est comme une intrusion dans mon intimité. Et parfois il s’approche d’elle, juste un peu trop près, c’est tout juste si il ne la touche pas et il demande si il y a un appartement à louer dans sa maison. Et elle répond non. Que non il n’y a rien à louer même si il y a un panneau à louer sur une vitre, elle dit que non. Et lui, un peu dépité, il retraverse la rue. En se dandinnant mollement. Ou alors il passe à vélo. Il passe dans la rue à vélo et c’est si bizarre, on dirait toujours qu’il va tomber. Oui c’est étrange cette façon qu’il a de rouler sur un vélo, un tout petit vélo alors qu’il est plutôt gros, un peu gras, et elle se dit « il va tomber, il va tomber, il va tomber ». Mais non. Non il ne tombe pas, jamais. Et parfois c’est sur une terrasse, elle boit un verre et il s’approche. Il m’embrasse sur la joue puis il reste là. Et il me dit bonjour de son parler mou. Et il attend, je vois bien qu’il attend que je l’invite à s’asseoir ou peut-être même il demande pour s’asseoir. Et dire non, elle dit non. Toujours.
c’est comme hypnotique le regard se pose là par hasard et voilà qu’il ne peut plus lâcher la lecture qui l’emporte, non pas hypnotique mais comme dans un toboggan ou ébloui comme un enfant devant un dessin animé. j’aime les phrases courtes les changements de perspective de lieu de situation le glissement se fait très naturellement. glissement, bon, alors donc toboggan.
Comme votre commentaire me fait plaisir. Et me donne confiance. Le premier texte j’avais une envie d’une sorte de rap un peu entêtant. Et le deuxième texte. Aller et venir. Comme un yoyo. Laisser l’élastique se distendre, le fil se tordre. Regarder le yoyo revenir puis partir ci et là, prendre des directions inattendues. Comme ce voisin au corps mou et flou qui vogue où on ne l’attend pas.
Superbe, tout tient.
Comme votre petit mot, direct, me va droit au coeur ! Oui parfois, magiquement, on lit la consigne et puis on se trouve « au bon endroit » et comme vous dites ça tient, ça glisse, ça brode, quel bonheur alors !