Mouches agitées, une seule s’éloigne, attirée par la lumière du lampadaire qui s’allume. Le lampadaire éclaire le rétroviseur d’une vieille camionnette blanche. Dans le rétroviseur, le reflet de l’hiver trébuche sur le pétale d’une pâquerette. La friterie rouvrira bientôt, on célébrera les premiers rayons de soleil à la bière de table, sel sur les doigts. La pâquerette ne portera dans son petit corps ni les mondanités de la solitude ni l’insolence des longues pluies. Sur la place, le manège de chevaux de bois s’est arrêté de tourner. Le vent essuie les yeux des bêtes. Essuie les corps lourds de ce qu’il reste du bruit de la journée : le marché, les klaxons, les cloches de l’église. Aux fenêtres des maisons, derrière un rideau mal tiré ou un simple vitrage, on recouvre de la vaisselle de papier journal, on malaxe de la terre glaise, on plie du linge, on épluche des poireaux, on tape au marteau sur un clou, on arrose une plante verte, on déplie une carte routière, on caresse une joue. Mains marquées d’odeurs, de bruits, de matières. Et dans la maison en briques rouges, fin du tango argentin et dernier feu de bois. La gamine recouvre une de ses peluches sans têtes d’une poignée de sable ramassé sur une plage de Bray-Dunes l’été dernier. Elle dit que la mer viendra la chercher cette nuit, qu’il lui faudra faire un vœu.
Codicille : en m’appuyant sur le texte que j’ai écrit pour Boost 05, comme continuité ?
J’ai été relire ta #5 avant de lire la #9
On n’a plus le rythme du « à cet instant où » qui structurait ta première séquence, mais on retrouve des éléments qui deviennent images de façon plus forte, images (inattendues d’ailleurs) comme « le vent essuie les yeux des bêtes »
je lis avec délice cette énumération d’actions « derrière un rideau mal tiré » et je cherche le lien entre elles, un lien ancien, pour une part imaginaire, dans une brassée de bruits et d’odeurs
étrange pour moi, étonnant, très beau cette dernière phrase aussi…
« Le reflet de l’hiver trébuche » « le vent essuie les yeux des bêtes » « La gamine recouvre une de ses peluches sans têtes d’une poignée de sable » que tes images me touchent .Le regard passe les murs, pose et lie dehors dedans. Minute suspendue qui laisse éclore les images, sentiment de la nuit ou plutôt du soir d’avant l’endormissement des gestes . Sentiment de la vie – Très beau
Et comme un apaisement de la 5 que j’avais tellement aimé
du bruit des odeurs des images, on y est et ce « Le vent essuie les yeux des bêtes. Essuie les corps lourds de ce qu’il reste du bruit de la journée : le marché, les klaxons, les cloches de l’église. » c’est très beau et maintenant, la 10, Aller!!!!
Merci très fort Françoise, Nathalie et Catherine. Votre présence est précieuse. Comme ça l’est tout autant de venir vous lire. Partager nos univers, notre approche des propositions d’écriture. A très vite. Je vous embrasse grand.