#boost #08 | moments

Moment mal défini, un peu trop flou pour dire quelque chose d’affirmatif. Moment qu’on n’ose se remémorer de peur de.

Moment de je d’avant, de vie larvée, moment qui se défile entre les mains, qu’on ne peut rattraper.

Moment de flottement, d’effondrement. Moment qui succombe comme un animal atteint, qu’on ne peut soigner parce qu’on n’y connaît rien en chimie, qu’il n’existe pas d’antidote. Moment mal soigné de carie dentaire, moment de mal de chien.

Moment éreinté, souffreteux. Moment de tréfonds, de feu qui dévore, de peau brûlée. Moment malformé de fœtus malade. Un moment malingre, mal habité de paysage éteint.

Défaut de moment, déficience, absence de moment, singularité du moment qui s’échappe, moment déficitaire comme mot manquant dans la bouche.

Moment ineffaçable quand bien même on voudrait, moment qu’on vomit, la salive et les glaires, et peut-être même l’estomac entier, moment biliaire et dégoût et de colère.

Moment de délivrance, d’arrachement de nos chaînes et de nos frustrations. Moment de marche longue et ancestrale à la recherche d’une pseudo liberté qu’on gagne par instant. Moment conquis de haute lutte contre nous-même.

Moment qui se défait à mesure qu’on y pense, qui se délite et se froisse, moment qu’on roule en boule dans un coin de mémoire, moment qui reviendra sans crier gare.

Moment de fond de poche et de cachette, de nuit à la belle et de pleine lune, de présence animale dans nos épidermes, de sang mêlés au couteau, de respirations lentes et de serments.

Moment chargé de sens cachés. Moment de secrets imprononcés, de silence qui nous tient captif.

Moment à étirer comme un fil de sucre de barbapapa, un moment dont on se lèche les doigts. Moment éthéré et pourtant sa consistance de plaisir en bouche, sa mâche et son goût de reviens-y.

Moment de retour en terre promise, de fils ou fille prodigue, moment de sacerdoce, de déclaration, moment de promesse qu’on se fait et qu’on fait aux autres sans forcément la tenir.


Moment farci de fête et de dinde même pas de Thanksgiving, pour autant moment de grâce. Moment de bougies d’anniversaire qui se soufflent trop vite, moment de gratitude qui gratte l’encolure et le sourire, qui frotte le rebord du visage. Moment de nez et d’oreilles qui happent le moment, moment de feu plus que d’artifices, moment de vérité et de joie, ce serait si simple pareil moment.

Moment qu’on souffle en vapeur sur la vitre, pour y dessiner prochain moment d’enfance retrouvée.

Moment de plein vent. Moment de pleine mer. Moment où la voile du corps se gonfle, moment à ne pas se noyer.

Moment de calme et de volupté qu’on étreint vraiment trop mal pour qu’il signifie quelque chose.

Moment chevalin à galoper plus fort, à mordre et être mordu, à fracasser de ses sabots tous les sentiers.

A propos de Perle Vallens

Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Publie récits, nouvelles et poésie en revues littéraires et ouvrages collectifs. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 (au diable vauvert) et autrice d'un livre de photographie sur l'enfance, Que jeunesse se passe (éd J.Flament), d'un recueil de prose poétique, ceux qui m'aiment (Tarmac), d'un recueil de nouvelles, Faims (Christophe Chomant) et d'un récit poétique et choral, peggy m. aux éditions la place. Touche à tout, pratique encore le caviardage, le cut up (image et/ou son), met en voix (sur soundcloud Perle Vallens ou podcasts poétiques), crée des vidéo-poèmes et montages photo-vidéo (chaîne youtube Perle Vallens)...

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