#boost #09 | soir

Le cheval court dans le champ ; les enfants jouent à le poursuivre. Ciel bleu d’avant nuit avec un peu de rose. Lent. On dirait juin. Les voix rient. Cette odeur d’herbe foulée, de sueur, de crin avec un peu de vent. Neige de fleurs blanc-rose de l’arbre de l’autre champ, derrière la clôture, qui donnera des fruits. Et je vois le chapeau, la main tenue à la branche sous les fleurs, qui regarde tandis que le cheval court dans l’enclos qui n’est pas rond ; tandis que les enfants courent et rient en rond. Sa queue. Sa crinière. Sa robe noire. Eux n’ont pas de chaussures on dirait, quatre en tout, deux filles et deux garçons ça fait beaucoup de bras et de jambes, de cheveux. Quelqu’un, de la citerne, perché, filme au milieu du champ; sa rouille; à l’épaule. Il faut rentrer dit quelqu’un ou quelqu’une ; juste sa voix. D’où vient la voix. De l’autre champ. De derrière l’arbre. De la maison. De sa fenêtre ouverte. Encore crient les enfants. Encore crient les enfants avec la cloche loin du soir qui vient. Avec la route loin et le tracteur de la route qui descend. Son moteur. La main qui se lève, fait signe. Et le cimetière en contre-bas qui ne fait rien, ni ne bruit. Une minute pas plus dit la voix. Et le cheval s’arrête. Il a de très grands yeux.
 
 

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

14 commentaires à propos de “#boost #09 | soir”

  1. Ce texte avec sa syntaxe particulière pour renforcer la précision des images données pour une scène et pourtant ce doux flou des quelqu’un, quelqu’une, une voix dont on ne sait d’où elle vient. J’aime la forme particulière donnée à ce récit. Une vie pourrait être racontée de cette façon dans un flou dosé et une foison d’images. A ta façon quoi… Celle que tu as choisie pour ceci. Merci, Nathalie.

  2. Coucou Nathalie,
    Comme je l’ai écrit à Françoise, j’ai un affreux retard dans la lecture des textes, avec toutes mes excuses, je me rattrape.
    J’ai lu dans un commentaire que tu as laissé sur le texte de quelqu’un d’autre (je ne sais plus qui, mais texte sur les ‘moments’) que tu ‘listais’, n’étais pas dans l’abstrait, et qu’il le faudrait… personnellement, j’aime beaucoup les éléments concrets, palpables, ce qui dessine des images dans la tête depuis tes textes. Comme ici, avec ce texte.
    Et tes jeux de langue, comme ‘remplir les sacs et vider l’heure’ dans ton texte 8. Et ta sensibilité, ‘Le moment des commencements qui ne devrait jamais finir’, ‘Celui qui attend son moment et ne voit rien venir.’, ou ‘Le moment de mourir et tu n’es pas là.’, toujours dans le 8. Vraiment superbe ce texte, plein de vieS !
    Quand j’ai besoin de lire des textes pour bousculer mon regard sur l’écriture, c’est notamment vers toi que je me tourne.
    Très beaux aussi tes textes 7. ‘se passer les mains sous l’eau longtemps puis les secouer pour dire bonjour’, ‘Serrer par cœur la dernière page, s’abriter sous les mots ; composer une phrase en marchant’… pour reprendre tes mots, c’est comme un cadeau, oui, des phrases, des textes comme des cadeaux.
    Merci.
    Continue !

    • Merci ! merci, Annick de tes généreuses et attentives lectures qui aident à avancer disons à « continuer » précieux retours
      et te retrouver dans tes pages vers le nord (avec cette gamine qui couvre sa peluche sans tête d’un peu de sable et cette pâquerette sans attache qui repousse l’hiver)

  3. Quel beau texte Nathalie, on est dans le champ avec ces enfants et ce cheval et la présence de cette voix, et en même temps tu réussis à nous maintenir hors champ pour que l’on ait une vision globale de la scène, c’est très réussi. A cause de la personne qui filme, je me demande si les « champs » sont ceux d’herbes ou s’il y a aussi une allusion au cinéma?

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