J’ai décidé d’arrêter d’écrire alors que je n’avais jamais cessé de commencer. Alors que je n’étais jamais allée jusqu’au bout, j’ai décidé d’arrêter l’écriture. Stopper le mouvement. Laisser l’écrit en suspens. J’ai décidé d’arrêter d’écrire pour voir ce que le mouvement d’écriture laissé en suspension pouvait apporter de lui-même. J’ai rendu à mon travail d’écriture sa liberté ; j’ai abandonné les mots à eux-mêmes ; j’ai fait comme si les phrases n’existaient plus. J’ai essayé de laisser mon esprit vagabonder, sans prendre de notes, sans organiser les idées, sans me saisir des intuitions fulgurantes, sans même penser au projet d’arrêter d’écrire. J’ai organisé mon indifférence, j’ai fait comme si ça n’avait plus d’importance. Il a fallu que je m’isole dans un lieu sans papier, sans stylo, sans ordinateur, sans téléphone. Il a fallu que j’accepte l’idée pure, l’idée simple, d’un récit qui pourrait mener son existence sans moi. J’ai décidé d’arrêter d’écrire pour voir si l’écriture pouvait se passer de moi. Tester son attachement. La laisser revenir d’elle-même. Vérifier mes chaînes.