Si j’étais écrivaine

Si j’étais écrivaine, j’inventerais des récits de vies à partir des vestiges trouvés dans les brocantes le dimanche matin. Je pense aux papiers – lettres, cartes postales, photographies, factures, ordonnances, tickets de cinéma etc. – que l’on trouve rassemblés dans une boîte à chaussures. Je me dis que la personne qui a vidé l’armoire, la commode, le bureau, qui a trouvé ces objets, a choisi de ne pas les jeter, et leur a accordé une valeur symbolique, une valeur affective, une valeur marchande, une valeur suffisante pour les proposer sur le stand d’une brocante et envisager que quelqu’un les achète. Si j’étais écrivaine, j’achèterais pour quelques euros ces bribes de vie à rassembler et je leur donnerais une valeur littéraire.

Je ne suis pas écrivaine alors je me contente d’imaginer le plan d’action, le classement des différentes pièces par genre, le déchiffrage des papiers à l’écriture peu lisible, la quête des lieux notés sur les enveloppes ; j’essaierais de reconnaître les gens sur les photographies et d’établir des généalogies. Je mènerais des recherches, je ferais des découvertes intéressantes en recoupant certains évènements avec des journaux d’époque, je serais bien aidée par internet ; je tomberais peut-être finalement sur l’inspiration d’un véritable thriller.

Sans doute mon livre prendrait la forme d’une enquête, il deviendrait un objet d’expertise pour la connaissance humaine et l’on regretterait même la disparition programmée du papier. On se demanderait alors : et fouiller les mails ? les photographies stockées dans les téléphones ? les disques durs ? les cloud ?

Impossible de prédire le destin de mon livre : les gens penseraient qu’une vie est reconstituée artificiellement alors que la projection fictionnelle ressuscite l’existence dans ce qu’elle a de plus réel.

A propos de Olivia Scélo

Enseignante. Bordeaux. À la recherche d'une gymnastique régulière d'écriture.

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