#LVME #02 | le gemmeur

Il a entendu parler d’un grand terrain qui descend vers la mer, une maison au milieu, abritée de la dune, longtemps habitée par des gens qui se mélangeaient peu. Il vient voir, on ne sait jamais. Elle est morte il y a peu, sa compagne de quarante ans d’une vie plutôt heureuse. Pour la fin de leur histoire sans elle, ni solitude ni rumination ne sont des options alors il garde œil et oreilles grands ouverts, attentif aux bonheurs furtifs.
Il se faufile entre les arbres avec l’élégance de ceux qui sont à l’aise dans la grande ville, glisse entre pins et étangs, se soucie à peine de son gps téléphone. Il se souvient des dimanches après-midi pluvieux de l’enfance, le gemmeur soudain jailli des bruyères et ajoncs, comme s’il arrivait du bout du monde, on reconnaissait sa silhouette, son béret, on criait : le gemmeur ! le père aimait lui parler, ils échangeaient quelques mots sur la récolte de l’année, il donnait un coup de sa grande faucille sur une saignée faiblarde, redressait le petit pot de terre sous la coulée de résine et repartait, droit comme ses arbres, indifférent, vers ce qu’ils imaginaient solitude sans fin. Est ce que le lieu d’un souvenir d’enfance est le bon endroit pour approcher la mort ? Il a idée que, dans la grande maison, il viendrait habiter avec des amis. Quels amis ?

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.

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