Sans violon à son épaule mais comme sorti d’une procession de Chagall, il était un vieil homme venu d’ailleurs, un étranger dans ce paysage. Tous les vendredis s’il ne pleuvait pas, il descendait à pieds le matin jusqu’a la mer recueillir un peu d’eau. L’après midi, toujours avant seize heures, il venait faire trois fois le tour de la tour en ruines, comme si ces vestiges de pierres étaient le Kévèr d’un grand Tsadikim.
Des années durant, tous les 8 septembre, Léa avait marché pieds nus vers le sanctuaire de Lavasina. Depuis son départ à la retraite, elle avait renoncé à cette procession. Léa n’attendait plus rien. Elle se contentait désormais de marcher un peu obstinément chaque jour jusqu’à la tour, puis retour sur ses pas.
Gracieuse qui détestait son prénom n’avait été qu’une seule fois sur le tertre de la vieille tour. C’était le jour de son mariage. Le photographe avait choisi ce lieu pour immortaliser l’événement. Ce jour là, à cet instant de la noce, elle eut le sentiment que quelque chose, comme une âme, prenait possession de son corps, s’emparait d’elle. Gracieuse depuis a peur de cette tour et déteste les photos de son mariage qu’elle a du reste toutes brûlées.
folles croyances
magie ou génie du lieu
croire pour vivre
Léa, née d’une mère juive et d’un père protestant, n‘a jamais participé à une procession catholique. Elle n’est pas à la retraite. Sa maison domine la tour et elle n’a jamais vu un vieil homme tourner autour de la tour avant Shabbat. Gracieuse, elle, est à la retraite depuis longtemps. Elle croit en la Vierge depuis toujours. Elle ne s’est jamais marié et le seul dibbouk qui la possède est dans sa tête embrumée de mazzeri.