Un rêve de cuisine commune, un plan de travail blanc parce qu’avec l’âge on voit moins bien et il faut que cela reste propre pour l’hygiène, une plaque à induction, une vieille cuisinière qu’on remplit de buchettes, un Thermomix, une machine à café dernier cri…
Un sol béton pour uniformiser après le mur abattu pour agrandir la pièce, n’en faire qu’une alors que deux avant, le carrelage en dessous recouvert, en céramique blanche à arabesques grises et noires, sous l’évier encastré dans une armoire sur pieds métalliques on trouve des rainures de béton, le mystère du dessous demeure.
Le béton est taché de peinture, des gouttes blanches de dessous l’escalier, des gouttes moutardes des murs des toilettes, des taches grises de la poutre métallique à la place du mur porteur. Un petit rond rouge foncé couleur ketchup là où il avait dû avoir un réfrigérateur et une bouteille qui glisse des mains.
Le plancher ancien juste repeint, qui laisse passer la lumière les voix la musique et l’eau en jet comme une douche lors de la fuite.
Les murs peints de couleurs vives jusqu’à mi-hauteur et au-dessus plafond compris un blanc mat.
Des murs avec sous le placo la pierre qui ne se laisse pas oublier.
Du béton au sol au mur au plafond c’est lisse et brillant comme autoriser le gris à faire son cinéma.
Du carrelage bon marché rouge, des dalles carrées grandes, mais pas trop à cause du prix, des joints gris clairs qui deviennent foncés là où le pas répété a sali, un carreau qui bouge toc toc, insister du pied pour évaluer, de quelle racine d’arbre séculaire viendra l’irrémédiable.
Du lino rouge à même la dalle de béton du sol et dedans les tuyaux du chauffage sans gaine ou protection que le béton déguste petit à petit.
Des espèces de tomettes qui n’en sont pas, parce que ce n’est pas le pays, pas la tradition, c’est rouge de la couleur des tomettes, une mousse blanche suinte des jointures malgré le chaud des radiateurs, elle est sans odeur, pas tenace, un coup de torchon suffit, insistante, elle revient.
Du parquet, à rayures, d’un bois foncé, celui des voiliers, pour une surface de plus de 70 m2, les murs blancs sauf côté cuisine ouverte, ils sont rouges. Blanc au plafond devenu jaune et gris du côté du foyer fermé.
Du bois brut doux au pied qui restera marqué par la moindre tache, il faudra poncer, raboter, les fines rainures se sont emplies d’éléments microscopiques que l’aspirateur n’aspire plus depuis longtemps.
Des murs granuleux d’un papier de verre peint en blanc un sol à petits carreaux blancs et noirs dans tout le couloir qui fait un angle droit, dans le blanc quelque chose de brillant, dans le noir aussi, leur alternance comme un choix d’aléatoire, l’échantillon souple avec les fils qui retiennent ensemble les petits blocs. Les blancs comme des sucres de Tirlemont, aussi durs, de la même forme, jusque l’épaisseur c’est pareil. Envie de mettre à la bouche pour continuer l’exploration. Mais on a passé l’âge.
Un nouveau papier recouvre celui d’avant et sur plusieurs couches, des motifs impossibles à décrire, des couronnes dorées avec arabesques et entrelacements sur un fond vert ou des petits personnages, un berger et ses moutons, une bergère avec son berger. Des tons passés, crème, ocre clair, pour inventer des histoires douces avant de s’endormir.
Des grandes dalles blanches posées par-dessus les anciennes, brillantes, trop, qui donnent au salon des allures de salon de coiffure, mais claires, propres, impeccables. Blancs des murs et à la moindre trace tout sera repeint.