Au sol des tomettes rouge brique, octogonales, lavées et relavées, « frottées » dit-elle, trahissant qu’elle n’est pas d’ici, arrivée à vingt ans, « j’ai frotté », tomettes fendues sur l’escalier mais retenues par un nez-de-marche en bois délavé, toute la maison en tomettes, tout dans son jus depuis les précédents habitants, les murs de la haute pièce principale gris des fumées de chaudière à bois, noirs par endroits, non repeints depuis les années quatre-vingt, soit cinq décennies de chauffage au bois.
Au sol de la pièce principale et des chambres un carrelage à grands carreaux jaunes, flammèchés de brun, témoignant d’une construction municipale de quarante ans, carreaux petit prix, mais époque où la mairie faisait des logements, mis à la vente les uns après les autres dans les années 2010, la petite cuisine en carrelage chiné blanc et noir. Les murs peints en blanc, tous les murs, sauf la salle de bains en laqué rose pâli et carreaux blancs au-dessus du lavabo et de la baignoire sabot.
La caravane a du lino chiné marron clair et foncé, un lino se décollant dans les coins, usé à l’endroit de l’entrée, c’est-à-dire de couleur et de consistance incertaines, tandis qu’aucun mur n’est visible, entre hublots à chiures de mouches, étagères et rideaux violet foncé strié de clair aux endroits où tape le soleil, rideaux tirés, toujours.
Chez les Allemands les tomettes sont parfaites, laquées à l’huile et non fendues, les nez-de-marche des escaliers sont cirés, tous les murs sont d’un blanc net supportant quelques tableaux de champs de lavande avec cabanon en pierre, chaîne bleutée de la montagne de Lure, hameaux de pierre avec fontaine.
Dans l’immeuble à deux étages le carrelage est rose-brique les murs furent blancs, le propriétaire ne repeint pas, les locataires défilent et repeignent eux-mêmes, ceux qui veulent. Au deuxième, des étagères multiples garnissent les murs de livres de santé, de nature, de vie animale et d’humanisme, tandis qu’un vieux tapis ocre supporte une table en bois couverte de dossiers. Au premier de vieux posters de groupes punk garnissent le salon-pièce principale, il n’y a que des réduits-cuisines dans ce quartier, on mange au salon, et ici au premier, on dort au salon.