#LVME #4 | palimseste

Le carrelage juste posé donne à la salle en travaux son air de demain, large tuile d’un gris mat et doux. Ne mangeant pas la lumière, au contraire la lissant jusqu’aux recoins de la pièce. Les murs sans revêtement, placos striés de bandes de joint à la blancheur de plâtre préparé

La fine couche de béton liquide est étendu à large coup de raclette plate. Il vient couler jusqu’à ras les murs de pierres nettoyées et assainies. Sol éphémère indispensable à la bonne tenue de ce qui va suivre. Préparation méticuleuse de mélange avant de l’étendue et de le voir disparaître.

Le sol de terre battue décaissé et aplani laisse apparent les rangées de pierres rondes plantées dans le sol dur, solide à force d’avoir été piétiné. La maison posée là le protège encore mais sa disparition est programmée. On ne peut plus laisser toute la lumière s’y engloutir. Les murs à moitié découverts portent des lambeaux de papiers peints, on distingue un motif de bergère, des médaillons de fleurs, et dessous encore, un papier de couleur jaune unie, un vieux jaune presque effacé sauf là où la colle de la couche suivante et le papier dessus solidement posé à garder à l’abri la couleur, un jaune audacieux de lumière.

Dans partie cuisine, le choix d’un sol de tuiles de pierre blanche rappelle la carrière là-haut, les murs mis au droit disparaissentderrière les meubles neufs et les étagères remplies de vaisselle. Il reste le calendrier. 1950

Tout le haut de la maison est de parquet, un parquet de cent ans aux planches rugeuses posées dans le sens de la longueur, le couloir y parait immense, les murs de bois, cloisons plus que murs, lui donnent un air de chemin forestier entrecoupé de portes vers les quatre chambres. Sur chacune une image punaisée oublie ses souvenirs. Un soleil couchant sur les sommets. La photo d’un chien aux yeux rieurs. Un poster de Pierrot efféminé. Une forme mais de quoi ?

Dans la salle bain un vieux tapis dissimule un sol en cours de réfection. On y marche les pieds mouillés et l’odeur en témoigne. Une grande fenêtre sur le dehors, des plantes posées sur le bord, du carrelage rose thé, vestige d’une tentative de modernité largement dépassée. La douche trop petite occupe un coin.Tout est à refaire. 

La surface entière du grenier est de bric et de broc, elle manque par endroit et on y a posé des planches en travers et on pourrait y apercevoir le lit en dessus si un grand drap n’avait pas été tendu en guise de plafond. Ailleurs le par-terre semble de plancher si vieux qu’il en est creux ou fait de plaques d’on ne sait quoi, récupération ou stockage. Largement visible sur les quatre côtés du batiment, à peine de murs, cinquante centimetres de haut tout au plus percés de lucarnes et c’est la charpente qui se fait cathédrale, poutres larges et longues portant tout le toit, pentes raides traversées de croisements qui laissent voir la partie bâchée là où manque les tuiles, le pan refait et celui que l’on ne touche pas pour le moment. 

A propos de Catherine Serre

CATHERINE SERRE – écrit depuis longtemps et n'importe où, des mots au son et à la vidéo, une langue rythmée et imprégnée du sonore, tentative de vivre dans ce monde désarticulé, elle publie régulièrement en revue papier et web, les lit et les remercie d'exister, réalise des poèmactions aussi souvent que nécessaire, des expoèmes alliant art visuel et mots, pour Fiestival Maelström, lance Entremet, chronique vidéo pour Faim ! festival de poésie en ligne. BLog : (en recreation - de retour en janvier ) Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCZe5OM9jhVEKLYJd4cQqbxQ

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