#LVME #04 | détails perpendiculaires, vingt-deux fois

sol | un tapis persan aux motifs réguliers où prédominent le carmin et le brun recouvre un carrelage de couleur claire qui met en lumière le tapis dans son encadrement — un dessin de deux éléphants adossés
mur | sur la paroi ocre une reproduction d’un fragment de la tapisserie de Bayeux met en scène la traversée de la Manche de Guillaume le Conquérant — un bateau avec une voile verte
(salon, rez-de-chaussée, 1979)

sol | un tapis de bain rond en épais tissu rouge écarlate est disposé sur des carreaux rectangulaires blancs et brillants — une brosse à dents tombée du lavabo 
mur | sur les mêmes carreaux rectangulaires blancs et brillants est fixé un porte-serviettes en inox d’où pendent deux serviettes bleu ciel — un coin de carreau fendu
(salle de bains, 2e étage droit, 1967)

sol | trois paillassons sont parfaitement alignés devant chacune des portes d’entrée — bienvenue en lettres noires sur celui de droite
mur | les trois portes en bois clair identiques sont toutes équipées d’un judas et d’un porte-étiquette avec un nom inscrit — sauf pour la porte du milieu où ne figure aucun nom
(palier des portes d’entrée, 1e étage, 1982)

sol | sont éparpillés sur toute la surface de la pièce un pantalon en toile de jean trois chaussettes deux caleçons un tee-shirt un livre de physique-chimie un stylo-bille un paquet de mouchoirs en papier un sac en toile une carte de cantine — une paire de chaussons à l’effigie de Bob l’éponge
mur | sur l’affiche du film Le seigneur des anneaux grand format punaisée au-dessus du lit le visage de Frodon Saquet semble sortir de l’image avec son regard inquiet — dix-neuf personnages
(chambre enfant, 1e étage droit, 2020)

sol | le tapis rectangulaire est en jute — une paire de chaussures en cuir mouillé
mur | le porte-manteau fixé au mur recueille deux imperméables et un parapluie — le radiateur mural est allumé
(couloir d’entrée, 2e étage gauche, 2004)

sol | un linoléum imitant des carreaux bordeaux avec des liserés noirs occupe toute la surface de la pièce — des miettes de pain sous la table en formica
mur | les parois des meubles en aggloméré sont plaquées imitation bois — des poignées de porte de meubles en forme de coquilles
(cuisine, 1e étage gauche, 1971)

sol | le ciment gris foncé et froid obscurcit le sous-sol — humide à certains endroits
mur | le crépi gris foncé et froid obscurcit le sous-sol — la trace d’un rouleau de peinture rose trahit une volonté avortée d’égayer l’endroit
(cave, parties communes, 2015)

sol | travertins — deux caillebotis carrés en bois clair sont placés devant le lavabo 
mur | peinture laquée blanche — un chauffe-serviette chauffe une serviette jaune avec des initiales brodées
(salle de bain, 1e étage droit, 2009)

sol | une poussière fine et blanche de plâtre recouvre les carreaux beige dégradé dans l’obscurité — une trace de semelle crantée de chaussures de sécurité
mur | la surface nue et lisse au fond de l’emplacement d’une machine à laver la vaisselle — un robinet d’arrivée d’eau 
(coin cuisine, studio 1e étage face, 1993)

sol | un épais tapis de laine blanc cassé avec des motifs africains marron — Louisiane de Maurice Denuzière posé près du lit
mur | une tapisserie de fleurs bleues et vertes — une photo-portrait en noir et blanc d’un jeune homme austère accrochée au mur
(chambre de la grand-mère, rez-de-chaussée, 1988)

sol | des carreaux en ciment aux motifs arabes bleus et blancs sont recouverts de poufs en cuir — une petite table marocaine avec un plateau d’argent 
mur | une épaisse tenture rouge vif laisse apparaître des fils dorés — une odeur de jasmin
(studio, 2e étage face, 2001)

sol | les carreaux carrés vert pâle sont constellés de petites taches blanches — une grille de mots croisés avec un crayon à papier
mur | papier peint mauve sombre — à l’arrière de la cuvette un tuyau d’arrivée d’eau avec un robinet émerge de la paroi
(toilettes, 2e étage gauche, 1996)

terre | un tapis d’herbe fraîche profite des rayons du soleil d’automne — un petit lézard immobile
arbre | le tronc du pin parasol s’élève vers le ciel — sur une branche une pie regarde fixement le petit lézard
(jardin du rez-de-chaussée, 2012)

sol | sur un revêtement en polychlorure de vinyle sont dessinées des rues des carrefours des maisons des petits lacs des passages piétons des arbres des buissons — un camion de pompiers bien plus petit que l’échelle du dessin stationne dans un jardin
mur | peinture laquée de bandes verticales bleues et blanches — une planche en bois fixée au mur avec des graduations sert de toise
(chambre d’enfant, 2e étage droit, 1990)

sol | des tomettes rouges d’une autre époque brouillent le temps qui passe dans la pièce — une pile de dictionnaires empilés près du large bureau en bois
mur | une carte postale encadrée représente la rue centrale d’un village du Haut-Var dans les années trente — une croix tracée au stylo bille sous une petite fille qui joue au cerceau au milieu de la rue indique la présence d’une lointaine tante
(bureau, rez-de-chaussée, 1975)

sol | un tapis de gazon synthétique sur laquelle sont posées une petite table en plastique et deux chaises recouvre la surface cimentée — une rondelle de tronc de hêtre comme dessous de plat un peu bancal
façade | accrochée au fin crépi rosâtre qui enveloppe l’immeuble une vigne vierge s’épanouit plein est et vient lécher les balcons du premier — les feuilles sont aussi larges qu’une main
(balcon de la cuisine, 1e étage gauche, 1977)

sol | la large trace noire recouverte de sciure de bois ressemble à la carte du continent africain — odeur de graisse froide
mur | les outils sont suspendus par des crochets et une silhouette peinte désigne leur emplacement — manque ce qui ressemble à une pince monseigneur
(garage du fond, niveau rue, 1999)

sol | une moquette unie d’un beige qui ressemble à un blanc sale occupe toute la surface de la grande pièce — une plante verte un caoutchouc aux feuilles brillantes tente de survivre dans son pot 
mur | une petite bibliothèque regroupe une trentaine de volumes de la Sélection du Reader’s Digest — la plupart ne sont même pas massicotés
(salon, 1e étage droit, 1969)

sol | le perron de l’immeuble est un assemblage de grandes dalles de pierres claires presque blanches — en entrant dans l’immeuble il est impossible d’éviter un grand paillasson
mur | l’imposante porte d’entrée est composée de bois de fer forgé et de verre dépoli — sur le fronton à gauche de la porte sept sonnettes sont disposées les unes au-dessus des autres avec autant d’étiquettes et de noms (sauf une qui demeure vierge)
(entrée de l’immeuble, 2007)

sol | un parquet en chêne massif cloué en chevrons et vitrifié — un coussin posé et un chat qui dort
mur | une gravure sous verre représentant le Pont Charles à Prague — une odeur de vieux livre
(chambre principale, 1e étage gauche, 1985)

sol | la terre meuble et poussiéreuse est gravée en sillons au fond desquels quelques taches vertes apparaissent comme autant de plants de salade — des laitues plus exactement
mur | la paroi de la cabane est faite de planches en bois mal rabotées — un fusil est accroché à un clou
(cabane du maraîcher, emplacement de l’immeuble, 1951)

terre | de longues branches de conifères tapissent le sous-bois — une musique au loin se fait entendre
arbre | un sapin au large tronc — un air de luth
(hêtraie-sapinière mature, emplacement de l’immeuble, 1066)

Photo de Possessed Photography sur Unsplash

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

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