Céline l’infirmière à domicile se présente chez Marcelle, la doyenne de notre impasse, cent un ans pour rappel, tous les jeudi et dimanche matin, neuf heures. Elle est gentille, on voit qu’elle fait de son mieux pour offrir un petit moment de douceur à Marcelle, dans le court temps qui lui est imparti. Pour compenser le temps perdu en gentillesses, elle roulait jusqu’à peu comme un bolide, ce qui incommodait fort nos retraités des Rosiers, la ferme du dessus pour rappel, qui ont fait installer un panneau « Vitesse limitée en 30km/h » devant leur maison. Nous nous le tenons tous pour dit, même si nous ne sommes pas les premiers concernés. Comme je l’ai indiqué plus tôt, on ne plaisante pas avec les retraités des Rosiers, qui sont aimables jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus. Mais la consigne du jour dit que je dois rester concentrée sur Céline l’infirmière, donc revenons à Céline l’infirmière. Céline, donc, ne fait pas grand-chose chez Marcelle : elle lui prend le pouls, vérifie ceci ou cela, pose quelques questions de routine. L’essentiel étant qu’un être humain passe par là et laisse un peu de sa chaleur en repartant. Rôle que rempliront tour à tour la femme de ménage, la coiffeuse, l’épicier mobile, les voisins, la famille, mais revenons-en à Céline l’infirmière à domicile, sur qui je suis sensée rester concentrée, ce qui est difficile, la faute à mon TDAH gratiné. Céline donc s’attarde un peu auprès de Marcelle, fait un peu semblant de s’agiter médicalement parlant, tout en lui demandant comment elle se sent aujourd’hui, si sa fille est venue la voir, et quel temps cette année ! Ce n’est pas comme l’année dernière ! D’ailleurs les récoltes s’annoncent mal, à Saint Léon la Vézère a débordé, etc, bref, elle fait ce que nous faisons tous chez Marcelle : nous amenons un peu du monde dans son salon, pour qu’elle s’ennuie moins.
Céline est ma copine de bouddhisme, nous avons vécu dans le même centre de retraites à quelques kilomètres de là, mais chut ! C’est un secret. Chez Marcelle elle est juste Céline l’infirmière, même si Marcelle n’a rien contre les bouddhistes, ni contre qui que ce soit d’ailleurs, cet être me semble dépourvu d’animosité. Mais revenons à Céline l’infirmière, dont la présence dans notre impasse se résume, à ma connaissance, aux quelques faits consignés plus haut, je la laisse donc repartir dans sa dacia logan grise, à vive allure toujours sauf là où vous savez.