La nuit dernière il a neigé. Dans sa loge surchauffée, la dame de l’accueil vaporise ses orchidées. Avec le froid dehors, l’hygiaphone est couvert de buée. Elle leur indique l’escalier à prendre, le couloir à longer. Il faut attendre face au bureau du fond. Le hall est vide et silencieux. Le carrelage, lavé à grandes eaux, brille. L’homme et le môme prennent l’escalier, longent le couloir et s’installent sur des chaises en plastique. Le chauffage marche à fond — une odeur de pétrole et de réglisse imprègne l’air. Au sol, des dalles de lino gris. Aux murs, du crépi acrylique, beige. Au plafond, trois paires de néons. Les portes des bureaux sont entrebâillées. Aucune lumière, aucune voix, aucun bruit de machine à écrire n’en sort. L’homme, une nouvelle fois, passe en revue ses documents, originaux sous pochette et copies en double exemplaires : pièces d’identité, justificatifs de domicile, certificat de l’ancien établissement scolaire, lettre du médecin. Le dossier est complet. Il se tourne vers le môme et rajuste le bonnet sur sa tête ensommeillée. Un téléphone se met à sonner dans un des bureaux. Un répondeur s’enclenche mais personne ne laisse de message. Le silence est si épais que l’homme et le môme entendent la cassette se rembobiner. Le temps passe. Bientôt, il est 10 heures. Une sonnerie assourdissante sort des haut-parleurs. Elle retentit trois fois. L’homme a les jambes engourdies. Il se lève et jette un œil au dehors, par la fenêtre couverte de poussière brune. En contrebas, la cour. La neige, sous le ciel qui menace, forme un tapis bosselé. Le blanc est intact, aucune trace de pas ne forme d’entaille.
Un commentaire à propos de “#LVME #02 | Blanc Intact”
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Très beau, l’ensemble de ces deux textes. J’entre dans un monde ouaté, silencieux et un peu menaçant, et pourtant quelque chose de calme s’impose dans la lecture. Belles présences, fortes, des choses, des lieux, des gens.