Ici, ça sent l’éther et la menthe — l’éther pour les genoux éraflés et la menthe Ricqlès, deux gouttes sur un sucre, contre les nausées des ventres vides. Aux murs : contraception, tétanos, polio, et une vue du golfe de Naples, décolorée par le soleil du matin, avec le Vésuve jauni, perdu dans les nuages.
Ici, tout au fond de la cour, c’est la saison où l’érable porte son rouge d’automne et le bouleau son brun doré. Ici, les mégots parsèment le bitume. Du rose à lèvres colle au filtre d’une Lucky clandestine. Un paquet froissé de Peter bleues, un de Camel souple, gorgés de pluie, abandonnés à l’heure de la sonnerie.
Ici, ça pue la putréfaction des grenouilles. Les grandes fenêtres ont été ouvertes mais l’odeur ne se dissipe pas. Quelques traînées de sang sur le fond d’un évier. Des traces sur les paillasses. Les rideaux occultants, noirs et cirés, claquent au vent, mais l’odeur reste, comme un reproche.
Ici, ça sent le citron et il fait froid. Le carrelage vient d’être lavé à grandes eaux. Le tuyau d’arrosage s’entortille sur le sol. Les portes sans verrou, les toilettes sans lunette, les dérouleurs sans papier, tout est désinfecté, impeccable, prêt à être souillé.
Ici, le tableau vert porte les absents à la craie. Quatre, ce matin. Les noms de la veille et ceux de la semaine précédente, mal effacés par le tampon poussiéreux, apparaissent encore. Du tant au tant, de telle heure à telle heure. Et les annulations qui suivent.
Ici, comme dans une agence de voyages, la tour de Londres, les falaises de Douvres, les Horse Guards, Stonehenge, le port de Liverpool, Virginia Woolf et la Reine, John Lennon et un poème de William Blake. À droite de l’estrade, un pick-up sans âge et une pile de leçons en 45 tours.
J’ai beaucoup aimé votre texte, vous effleurez tant de petites choses avec une grande finesse, un lieu que l’on a envie de continuer à découvrir
Ici, dans ses effluves et dans ses traces; désaffecté? Juste en suspens de quand à quand. J’aime beaucoup cette traversée dans ce suspens presqu’inquiétant