« Du pays d’où je viens, on respecte les gens comme moi, ceux qui ont peur de l’eau. On dit qu’ils connaissent son pouvoir. »
Un petit mensonge. Parce que je ne connais rien du pays d’où je viens. Pour expliquer ma peur de l’eau, à la mer, en bord de fleuve, en bord de rivière, à la piscine, dans le bain, sous la douche. Longtemps je ne pouvais mettre ma tête sous l’eau dans une nouvelle salle de bains. La fatigue m’a fait oublié cette peur. Ou le fait que je suis dans la même salle de bains depuis plus de six ans, un record.
Je dois être un peu reposée, parce que la lecture de la consigne du #8 m’a agacé, pour le moins.
Encore ?
Encore faire parler un élément comme un humain ?
Alors on en est encore là ?
Hasard, Pif sans gadget, je tombe ce matin, un peu plus loin, sur les archives « sound effects »de la BBC. Pour me calmer je tape « water » et laisse les sons me porter, un peu.
https://sound-effects.bbcrewind.co.uk/search?q=water
Ce que l’eau voit de la ville ? J’en rirais presque. Jaune sale. Comme les boues trainées dans les rues de Valence. Comme les boues trainées dans les poumons des cadavres encore prisonniers des parking souterrains des centres commerciaux de Valence ou d’ailleurs.
« -Allô ? Papa ? Je t’appelais parce que…j’ai vu aux infos que Xynthia avait fait pas mal de dégâts et…
-Tu m’as pris pour quoi ? Pour un couillon qui se serait laisser avoir ? Si les Anciens avaient pas construit là, c’est bien qu’il y avait une raison ! ».
Point.
Papa n’a rien eu.
Ils mettent à la télé les cartes d’urbanisation de Valence il y a cinquante ans et aujourd’hui. Ah ben oui, l’eau s’est infiltré là où l’Ohm a construit, avec toutes ses sciences.
Ce que l’eau voit de la ville ?
Spoiler : rien.
Elle n’en a rien à foutre, l’eau, de la ville. Elle n’a même pas de verbe pour l’insulter. Elle ne fait que passer là où elle doit passer et « parle » avec ce qui l’écoute. Elle travaille à se frayer un chemin là où elle veut/peut/doit/etc. tout en même temps sans avoir à se justifier de quoi que ce soit à qui que ce soit, l’eau.
Elle passe sous les ponts, scintille aux cailloux, fait vivre les poissons, fait vivre la vie. La ville, cet amas incongru le bord de sa vie, elle ne le voit pas. Elle l’engloutira sans même le percevoir, l’eau. Sans un mot, sans une émotion, sans rien. Pont du 19eme ou aqueduc romain, elle engloutira les pyramides si le chœur lui en dit.
Par contre, moi, en écoutant les archives de la BBC, je ne peux m’empêcher d’entendre quelque chose. Quoi ? ah…ce ne sont pas des mots. Ce sont des accords, scintillants, ou sourds et grondants. Quelque chose qui vient de si loin, un langage autre, sans mot. Alors pourquoi s’acharner à, me demanderez-vous ? Parce que je ne suis moi-même qu’humain(ent) parmi les Ohms.