#écopoétique #08 | se perdre dans le monde

Jusqu’au bout du chemin, je rejoins le fond du val ce matin. Je dis que je suis prête à me perdre, à m’en remettre aux forces vives de la nature, à me livrer au monde. Je voudrais glisser dans la mue du vivant, gagner l’au-delà des crêtes, me fondre dans la géométrie infaillible de la montagne qui me fera toujours redescendre plus bas. Je rejoins le fond du val ce matin tout au bout du chemin. Et je me dis que j’irai plus loin encore, je voudrais oublier la route tracée, rompre le sentier balisé. Je pourrais longer la ligne des arbres roussis, marquer d’une pierre la trace de mon passage ou gratter la mousse. Je n’aurais plus qu’à suivre la trajectoire du soleil à travers la brume glissante d’automne et me soucier de rien comme les bêtes à cornes broutant les noisetiers. Je n’aurais plus qu’à prendre le milan pour guide, me fier à son sifflement furieux, bercée par le bruit du monde. Je pourrais me débarrasser enfin de la fragile enveloppe de l’humain, revêtir ma peau de bête, affiner mon odorat, mon ouïe, allonger mon souffle et muscler mes jambes. Alors, je dormirai dans le creux d’un arbre sans craindre la neige fraîche, je descendrai boire à la source d’un sûr instinct puis je reviendrai parmi les miens en un mouvement avec pour seule boussole la science hors des chemins.

A propos de Olivia Scélo

Enseignante. Bordeaux. À la recherche d'une gymnastique régulière d'écriture.

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