Ils n’auront que l’embarras du choix. Deux fleuves, plusieurs rivières, cinq cours d’eau et bien plus, fréquentés depuis toujours avec beaucoup d’infidélités. La mer et l’océan comme estuaires involontaires. A l’échelle de leur vie, ce ne sera pas grand-chose de spectaculaire à raconter. Ils se foutent de la couleur des sémaphores et des lampadaires. Seulement des flashs d’étonnement ou d’ennui sur les berges qu’ils frôleront fascinés en frissonnant. Ils plongeront dans l’eau plus rarement, l’été, généralement. Ils seront des nageurs apnéiques et velléitaires.
Le véritable objet flottant sera la parentèle, c’est lui qui hantera la plupart des rêves. Il n’est pas exact qu’il puisse parvenir une nuit plus qu’une autre à rejoindre l’amont, c’est même dangereux d’y croire. On ne boit jamais la même eau, tous les bois flottés vous le diront. En cas d’oubli elle stagne et croupit…
Encore un scénario furtif au réveil, rescapé des eaux sombres. Le narrateur sait qu’il ment. Il est encombré de réminiscences. Ni ses cartographies, ni ses recherches géologiques et historiques, ni ses gestes musculaires et mécaniques ne lui serviront. Avant son plongeon, Tel Narcisse penché sur son reflet glissant, il n’aura pas le choix de rester le même. Le courant impétueux floutera son existence. Peut-être même qu’un jour se réincarnera-t-il en castor ?
Avec la fiction, on ne sait plus dans quelles eaux l’ on trempe. L’eau ne parle pas, elle est moléculaire, sa transparence est une illusion d’optique. A l’état sauvage, elle gifle bien plus qu’elle ne caresse, tout dépend de ce qui la contient. La faire parler est une lubie de rêveurs hallucinés. Je ne sais lequel d’entre eux questionner. Pour l’instant je reste accoudée à la rambarde d’un pont. Ce n’est pas n’importe lequel. Je pourrais aussi me poster au bord d’une rigole, sur un chemin pierreux remontant une colline villageoise. Ma vie ne manque pas d’eau … (pour qui peut savoir).
Très beau
ne me donne pas l’idée de départ
mais J’AIME
C’est magnifique et quelle présentation ! Bluffée. Avec ce petit côté déjanté qui me plaît infiniment. M’en vais relire pour savourer à nouveau. Et quel usage tu fais de la consigne ! Merci, Marie-Thérèse.
Merci Elise, Brigitte et Anne, mon rêve de ce matin a encore confirmé ce texte intempestif à recoudre. Pique-nique sur une tombe avec des lumignons…, même pas besoin d’I.A. l’eau souterraine fait remonter les images, je nage dedans, passivement, désossant le sens immédiat, acceptant d’être déplacée là où l’eau folle de futur s’immisce. N’y croyant pas tout autant. Se réveiller est une manière d’accoster encore un jour de plus. L’eau qu’on voit a des racines. La fragilité des berges ne fait qu’imiter leur démesure. L’eau des mots est imprévisible même lorsqu’elle fuit dans de vieilles canalisations.
l’objet flottant ne rejoint jamais l’amont
et je retiens très beau… « A l’état sauvage, elle gifle bien plus qu’elle ne caresse »
mais tu restes sur ta posture humaine… rassurante…
merci pour tes rêves qui m’ont entraînée loin et je ne sais comment j’en sors rescapée
Ivresse ! Très beau
Vraiment une intéressante perspective « Avec la fiction, on ne sait plus dans quelles eaux l’ on trempe », tout est là si la fiction est en jeu (ce que j’ai escamoté, ne pas suivre tout à fait la consigne est parfois un choix mais se laisser couler sur le flux). Du grain à moudre, donc.
Françoise, Nathalie, Perle, j’ai du mal à suivre le flux des réactions à un texte lui-même liquide et libre d’acrobaties comme un poisson sauvage. L’eau contient tout. Comme l’écriture débonde ses images flottantes. Je suis loin de la fiction mais jamais des rêves qui dictent le sens de mes chutes verbales.