#écopoétiques #05 | Vignes Planes

C’est un chemin. Un chemin, ça n’a pas de nom. C’est un chemin en terre, un chemin étroit, bordé de hauts talus. On l’emprunte pour aller en ville. On dit en ville, on devrait dire au centre du bourg. Personne ne dit le bourg. On dit ville, on pense village. On ne croise pas grand monde sur le chemin. Le plus souvent, on ne croise personne. On marche, on regarde, on ramasse des mûres, on pousse le landau, la poussette, on tient les enfants par la main, on les laisse gambader. A gauche, un potager, un jardin, une maison sans clôture, un tas d’herbe qui fume, chaque jour il les brûle les herbes, un terrain vague, un champ, à droite les chevaux, l’âne, des champs de cerisiers, des potagers, et juste derrière les mimosas, le canal d’arrosage avec ses ponts de pierre, on s’y arrête pour goûter, le chien court à toute berzingue dans le champ. On emprunte le chemin, on dit emprunter, il ne nous appartient pas, le chemin qui est là, qui conduit en ville. Ce sera d’abord, sur la gauche, la maison refuge pour les sans-abris, la maison du sculpteur, le facteur Cheval local, la fontaine naturelle, le ranch, la place et puis la ville, le centre-ville, un boulevard et une poignée de ruelles. Depuis le bureau, on voit le chemin, la campagne, les arbres, le potager, le poulailler d’Achille. On entend le braiment de l’âne. On resterait bien là une vie entière. Un panneau, une affiche, un plan, un nom : lotissement Vignes Planes. Partir. 

C’est une avenue. Une avenue à deux voies, avec emplacements de parkings, larges trottoirs, passages piétons, ralentisseurs. C’est une avenue bitumée. Les voitures s‘y croisent. C’est la voie la plus pratique, la plus utilisée pour aller en ville. A gauche, le potager, la maison -le jardin a été clôturé- on ne voit plus de fumée. L’écobuage est interdit. Une enfilade de petites villas avec jardinets clôturés. La maison refuge a été détruite, les sans abris envoyés plus loin, hors de la ville maintenant que la ville commence ici. A droite, des rangées de maisons à étages, mitoyennes, aux façades peintes en gris, jaune, orange. Des pots de fleurs posés sur le bitume, un institut de beauté. Les fenêtres sont en PVC, les portails sont en PVC. Les poubelles sont regroupées, dans des bacs semi-enterrés (verre – carton – ordures ménagères). Ici on trie. Sur les trottoirs on se presse, piétons, vélos, trottoirs et pistes cyclables confondues. Sur l’avenue on circule vite, nombreux, voitures, bus. Dans le bitume on a coulé une rangée de lampadaires, et un peu en arrière une rangée d’oliviers, les lampadaires dominent, en hauteur, en nombre, en utilité, en modernité. Des lampadaires peints en vert, des lampadaires qu’on éteint dès minuit passé parce qu’on a compris qu’il faut respecter la planète. 

A propos de Betty Gomez

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