# Ecopoétique #3 I oncle au jardin

Enregistrement au soleil, avec bruits de froissement de feuille et d’autres plus accidentels

Je m’en souviens près de la vigne, ce genre de cep de vigne isolé qu’on ne peut trouver que dans un jardin d’impasse. C’était mon oncle. Je ne l’ai pas connu. Il est mort pendant ces événements qu’on a un jour osé appeler guerre. Il est mort de ça. Il est mort onze mois avant ma naissance au jardin ou quasiment. Onze mois, au jour près. Si je pouvais dire comme ça m’impressionne ! Depuis que je connais le calendrier, d’ailleurs ! 6 ans, 7 ans ? 

Fffff… toujours enregistrer les bruits au jardin, ça aide.

A l’époque je croyais que son tracteur de vigne s’était renversé et qu’il était mort comme ça. J’avais dû voir de ces tracteurs hauts sur pattes, pas au jardin bien sûr… Quand même, ce n’était pas difficile à croire.

C’est vers les 10 ans que j’ai compris…

FFFshshsh… ne pas froisser les feuilles de la vigne trop fort quand même.

On a dû me dire que ce n’était pas un accident, mais qui ?

Shshsh… Là… La vigne, ça se caresse.

En tous cas, j’ai su qu’on l’avait tué. Il était allé en Oranie pour parler avec des collègues viticulteurs du choix des cépages. Il était, paraît-il, amoureux de la négrette, justement le cépage qu’on trouve au jardin. Oranie, c’est un nom que je me suis inventé comme ça. J’en avais besoin, pour les fois où je rencontrerais l’autre dans des bouches haineuses. Besoin de me dire qu’il était mort dans un beau pays.

Crrrr… Tiens, il y a encore des morceaux de pots cassés pas là, ma semelle crisse.

C’était au début de 1962. Il y a eu toute une époque, après la crédulité de l’accident où je parlais d’assassinat. Maintenant, je me suis calé sur le mot d’attentat qui fait un bon palier après celui de l’accident. J’ai l’impression qu’il n’est trop méchant pour personne. Il y aussi le mot fellagha, que le grand-oncle de l’usine disait d’une voix grinçante. Maintenant que je sais qu’il veut simplement dire combattant, je suis plus tranquille. 

CrrrrFFFshshshs… J’ai failli tomber, heureusement qu’en me rattrapant au piquet, je n’ai qu’effleuré les feuilles !

Voilà, l’histoire est aussi simple que toutes celles qu’on démêle au jardin : il était amoureux de la vigne et ce genre de personnes, des combattant fellaghas, l’auraient tué. J’ai vu quelques photos de presse qui montrent des visages.

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