#eco-poétique #04 | Intempestive effluve

Quelque chose d’implacable

qui saute aux narines

puanteur réhaussée

par les vents du sud

une fragance récurrente

par intermittence

une nuisance olfactive

connue depuis l’enfance

pas n’importe où

c’est juste à l’entrée du village

les touristes questionnent

on leur rit au nez discrètement

les gens sont habitués

la commune est viticole

et il faut bien gagner sa vie

une cinquantaine d’employés

on a déplacé la cave coopérative

neuf kilomètres plus bas

on a fait un gros truc promotionnel

combinant oenologie et vente directe

regroupement longtemps rêvé

assemblée de producteurs

la fautive n’était pas la cave

on le croyait avant

et c’est elle qu’on accusait

en Septembre et après

Souvenir d’un mal de tête

systématique à chaque retour

de pension ou de voyage

ça ne risque rien nous dit-on

c’est juste désagréable

et ce n’est pas tout le temps

Pour une bourgade touristique

tout de même ça la fout mal

disait ma mère ça n’existe qu’ici

Tu pourrais faire quelque chose Robert ?

Robert n’a sans doute rien fait

Oenologue de vocation

ce n’était pas son créneau

Il a soigné les Vins d’Ardèche

a introduit des méthodes Beaujolaises

et la technique de macération carbonique

il avait d’ autres odeurs à surveiller

Contraste des bons parfums de cave

ou au débouchage d’un bon crû

Enfance embaumée des choix paternels

Visites curieuses et sacralisées

au Laboratoire en dessous

de chez nous lui Directeur

en lien téléphonique avec Patrons à Montpellier

Magie des pipettes et des chromatogrammes

Analyses artisanales et scrupuleuses

La machine à écrire trépidante

de la secrétaire tapant sur double papier carbone

tous les résultats chiffrés avec des virgules

taux d’alcool taux de sucre aspect des échantillons

Aller -retour dans les quarante deux

caves du département pour récupérer

de petites bouteilles brinquebalantes

dans les casiers de bois

et les bonbonnes prometteuses

à l’arrière de la citroën -cargo

Les odeurs de cave sur terre battue

m’enchanteront toujours

Les odeurs de distillerie industrielle

n’ont pas su me convaincre

La Distillerie incriminée a beau défendre sa production nauséabonde en relookant les bâtiments et en créant de nouvelles utilisations des déchets, je reste persuadée qu’elle n’a pas trouvé sa justification dans un emplacement contestable, entre le cimetière où reposent nos parents et un stade sans ombrage où l’on parque aussi des dromadaires et d’autres bêtes de cirque malheureux comme des cailloux.

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

2 commentaires à propos de “#eco-poétique #04 | Intempestive effluve”

Laisser un commentaire