#écopoétique #03 / le composteur

Au fond du jardin, il y a cette grosse caisse en bois. Coincée entre le mur de moellons et la haie. Délibérément soustraite à la vue. Comme si le simple assemblage horizontal de planches de pin manquait de noblesse pour être ainsi exposé. Mais plus certainement parce que ce qui se trame à l’intérieur se doit d’être caché. Après tout, c’est le royaume de la décomposition, de la putréfaction, de la déliquescence. C’est un cloaque. Ne vaut-il pas mieux s’intéresser à ce qui pousse tout autour ? Ce qui se trouve là dans le potager ; les fleurs, les fruits. Tout cet environnement visible qui offre cette nourriture si essentielle à l’Homme. 

Il faut soulever le couvercle pour découvrir un monde à part. Un microcosme coincé entre quatre planches. C’est d’abord l’évidence. De petits moucherons dronisent sans but. Dans un recoin, quelques escargots sommeillent au-dessus du maelström inerte de déchets. Des épluchures de légumes gisent éparpillées sur un amas de résidu de tonte. Une composition colorée sur un lit fine paille : des peaux de tomates, des lambeaux de poivrons, des fanes de navets. Au fond, de fines branches échouées sur un amoncellement de feuilles dominent le territoire. Et au milieu, comme un terril sur une plaine verdoyante, se dresse un sombre chaos de bogues de noix. D’un éclair, une araignée s’éclipse sous une épaisse feuille de laurier sèche. Une limace n’y prête aucune attention. Elle cherche juste à éviter la moisissure qui recouvre un quignon de pain.

Tout ça demande à être brassé, mélangé. Il faut alors creuser, retourner, remonter à la surface ce qui est enfoui. Tout y procède de la strate, de la géologie du vivant. Plus l’excavation est profonde, moins le compost se fait grossier. Et avec émerge tout une foisonnante faune chthonienne. Les vers de terres, entremêlés et fuyants imposent leur essentielle présence. Ils volent la vedette aux colportes, collemboles et autres microscopiques détrivores. Mais jamais ils n’arrivent à prendre celle des grosses larves blanches avec leurs mandibules foncées et acérées des cétoines, star des composteurs. Le cœur de ce réacteur du vivant a aussi ses monstres sacrés. Tout y est vie, mort, transformation et renaissance. Seul un vieux couteau rouillé, oublié là depuis longtemps, résiste encore aux assauts de la machine biologique.

3 commentaires à propos de “#écopoétique #03 / le composteur”

  1. Bien vu et très bien écrit. Mais qui s’y colle au final ? Le compost est devenu à la mode et les urbains le redécouvrent en portant leur petit sachet d’épluchures dans le bac fermé sur le trottoir devant les groupes d’immeubles. A Lyon, ça a l’air de bien se passer. J’aimerais suivre le travail de ceux qui les collectent et les emportent pour fabriquer l’engrais mis à disposition des paysagistes et des particuliers. C’est certainement grâce à cela que nos rues sont de plus en plus belles pour lutter contre la laideur du béton. A la campagne c’est une autre histoire, et chaque jardin nécessite un gros travail individuel jamais ragoûtant… Le jardin comme la cuisine a été longtemps le domaine des femmes… La vie et la mort brassées dans un compost sont à l’image des luttes permanentes qui renouvellent l’effort pour maintenir le vivant. Voir ce spectacle est toujours troublant. Le pourri est caché, le plus possible…

      • Pourvu qu’il n’y ait pas trop de chefferie diplômée et de larbin.e.s crotté.e.s ! L’I.A que je viens d’expérimenter pour un renouvellement d’abonnement Zoom pour notre Association Lyonnaise La Cause des Causeuses m’a donné des sueurs froides… Ils veulent à tout prix qu’on soit une entreprise avec des employé.e.s et je m’échine à chaTte à J.S mon interlocuteur que nous ne recyclons que les mots et gratuitement. Cela ne les a pas empêchés de me fourguer une taxe de trente euros pour la cause… Bienvenue dans notre Usine à Mots à l’Air Libre…

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