Elle dit : – la Nature fait de nous ce qu’elle veut… Elle incline le dos pour ramasser les débris boueux autour de sa maison, elle relève de temps en temps la tête pour répondre au journaliste. On ne voit pas le micro ni la caméra. Cette jeune femme en tenue souillée, semble plus affairée qu’atterrée, l’heure est à l’action incontournable. D’autres silhouettes furtives, regards détournés, s’agitent lentement autour d’elle. La séquence très ciblée n’aura pas duré plus de trente secondes. La télé coûte cher et ce n’est pas là qu’on pourra placer des publicités pour les nouvelles bagnoles … Celles que l’on aperçoit sont enchevêtrées sous des marmelades de murs effondrés ou des troncs d’arbres mêlés à des tôles informes engluées dans la terre liquide. Violents orages, suivis de pluies torrentielles, la rivière et les canalisations ont débordé. Lui, nous montre jusqu’où l’eau est montée en désignant une différence de couleur sur le mur, 1m50 à l’intérieur ! Derrière lui des objets et des appareils électroménagers pêle-mêle, inutilisables en l’état, peut-être définitivement. On ne parle pas de çà pour l’instant… On se demande pourtant à leur place comment sortir de ce bourbier et toute question supplémentaire risque de faire déborder la colère ou les pleurs. On dose ce genre d’images sur l’écran. Il ne faut pas effrayer le téléspectateur… juste vendre un peu d’émotion de catastrophe. L’alibi implicite : rallier les empathies spontanées et les aides de secours. Une image vaut mieux que de longs discours. C’est compter sans la saturation de telles images et du « on s’en fout- c’est pas nous » enfantin chanté au passage de la sirène des pompiers. Les bateaux pompiers dinghies ne font pas de bruit , ils évacuent les plus vulnérables en premier. Trente secondes pour dire le désarroi, le désespoir et la mouise des victimes d’inondations brutales n’est pas suffisant. Cette fois là, on n’ indique aucun numéro d’appel pour recueillir des dons, on attend le bilan officiel pour répartir les dégâts entre les assurances et les subventions locales, régionales ou plus rarement nationales. On sait déjà que beaucoup y perdront de leurs revenus et de leurs épargnes. Les plus démuni.e.s n’auront que leurs yeux pour pleurer et attendre de l’aide publique hypothétique. La solidarité s’arrête là où recommence le chacun.e pour sa pomme et son petit panier perso. Certains resteront en dette pendant des années, ayant perdu leurs biens et devant continuer à rembourser leurs crédits. On parle d’eux brièvement, ils ne seront plus aussi « naturellement » dans la ronde des spéculations capitalistes. On ne prête qu’aux riches et aux ambitieux… Dans les yeux des perdants, se lit l’hébètement et la colère sourde, l’abattement en première intention involontaire…De la désolation en bandes désorganisées… Le journaliste lève vite le camp… Il a fait son job … Show must go on…
A propos de Marie-Thérèse Peyrin
L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.Un commentaire à propos de “Vers une éco-poétique # 01 | silence on tourne”
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ça résonne évidemment, et douloureusement. Oui, la nature fait de nous (apprentis sorciers) ce qu’elle veut.