#anthologie #35 | Voix-in/ voix-off et extérieur

La voix comme la voix off sont dans sa tête, mais la voix off ne sort pas de sa bouche, elle sort directement de son cerveau comme Athéna de Zéus. Elle, on dirait qu’elle n’a pas de voix off, on dirait que désormais elle ne s’arrête plus, que toute sa voix sort seulement de sa bouche. Ma voix se retire, elle rentre dans ma bouche au lieu d’en sortir et ne fait plus barrage à l’inondation de la sienne et là je me noie dans sa voix, je me noie dans moi-même et je ne suis plus en sécurité.

I nomi delle autostrade siciliane li ho persi.

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Non ci sono i nomi delle autostrade siciliane, le autostrade siciliane sono un susseguirsi di cifre e di nomi di città di partenza e di arrivo, senza nome di autostrada.

A29 Palermo – Mazara del Vallo, 114 km. La strada scorre sinuosa su una Sicilia ancora diversa, verde, piena di coltivazioni e non più pezzo di deserto. Manca la corsia di sicurezza.

Voix-off

Il tempo scorre veloce su questa autostrada. Luce ampia. Lei non avrebbe mai smesso di guardare il paesaggio, inghiottirlo, sbranarlo con gli occhi. Lui sarebbe concentrato sulla guida. La musica ricoprirebbe le loro parole, la musica ricoprirebbe l’autostrada et cette route s’engouffrerait dans le regard, la musique se disperserait par l’intérieur de la voiture, inécoutée. Elle déciderait de s’arrêter à Castelvetrano, et le paysage ne serait plus paysage mais un centre commercial, que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique et le monde va à sa perte.

Castelvetrano. Oasi Bar. Ore 8h30 di un mattino di agosto. Il centro commerciale di Castelvetrano è immenso, aria di dinamismo, la luce sempre ampia, il bar pieno di gente. Siamo a Castelvetrano in mezzo a Lidl, Mac Donald’s, Beef House, Bellanti Salotti, Piazza Italia, un centro commerciale come tutti i centri commerciali delle grandi città italiane.

Voix-off

Elle aurait demandé de s’arrêter, Castelvetrano n’est pas un nom anonyme pour elle, c’est la ville de Matteo Messina Denaro, arrêté l’année dernière, ce nom qui n’est plus anonyme, le fief de la mafia c’est un grand centre commercial, rien de plus que les banlieux urbaines de toutes villes, elle se demande quelle serait le degré de violence supplémentaire de la criminalité par rapport à celui des multinationales, et plonge cet énigme avec le croissant au pistache dans son cappuccino. Il regarde les gens défiler dans le bar, il reste silencieux.

Mazara del Vallo -San Vito lo Capo strade interne della Sicilia. Questa volta non è più autostrada. Colline su colline, campi e campi di eoliche che si innalzano sui campi di grano e si dispiegano davanti a loro, più rari i pannelli fotovoltaici. Una macchina di un servizio di sicurezza privato.

Elle conduirait par les petites ruelles de campagnes, là où le goudron cède parfois à la route hors piste, parcourir la Sicile signifie inoltrarsi, s’avancer, inoltrarsi nel tempo per ritrovare una società che vive da sempre con il suo passato, inoltrarsi nel futuro per ritrovare il dinamismo di una società mondializzata da sempre, da sempre al centro del Mediterraneo e poi delle rotte Atlantiche, elle n’aurait plus de doute quand elle voit la voiture de la sécurité privée. Ils sont dans le fief des affaires commerciales et criminelles. Il retrouverait tous les articles sur la presse. Eolo l’enquête de la magistrature de Trapani sur les énergies renouvelables. Vito Nicastro la pointe de l’iceberg, arrêté en 2019, son associé Paolo Arata, député de Forza Italia élu dans la circonscription de la Toscane, lenquête implique aussi Armando Siri, sous-secrétaire de la Lega, la méthode est nationale, la méthode est entrepreneuriale, la méthode est mafieuse. Il lirait de plus en plus intensément, elle couvrirait les champs de blé avec ses mots.   

A propos de Anna Proto Pisani

Passionnée par la création et l’écriture, j'ai publié des textes et des articles sur différentes revues et les ouvrages collectifs sur la littérature postcoloniale Les littératures de la Corne de l’Afrique, Karthala, 2016 et Paroles d’écrivains, L’Harmattan, 2014. J'ai créé et fait partie du collectif des traductrices de Princesa, le livre de Fernanda Farìas de Albuquerque et Maurizio Iannelli (Héliotropismes, 2021). Je vis tous les jours sur la frontière entre la langue italienne et la langue française, un espace qui est devenu aussi ma langue d’écriture.

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