#anthologie #34 | ils étaient préparés, compétents, ils

Tu penses quoi de Trump ? elle verse ses mots avec intention, le discours sur la politique devient de la conversation, elle commence la conversation au petit-déjeuner, c’est son mode d’être, oh mon Dieu Trump, les phrases se cassent l’une contre l’autre lui au-moins soutient le protectionnisme et le retrait de l’Otan dit-il. Je vous écoute et j’ai la tête comme une frontière de mots qui se défont l’une après l’autre dans mon silence. Et les enfants à quelle heure se réveillent-ils, Poutine et Trump, ils ont fait tard cette nuit, qui est le mieux,  je vais les réveiller dit-elle à un moment, le dernier film d’Emma Dante, l’avez-vous vu, la conversation passe de manière convulsive, avec son assurance toute la trame de son dernier film et son point de vue, d’un sujet à l’autre, elle ne sait pas si tu l’as vu et elle écoute inattentivement les réponses, hausser le ton, il faudrait crier, avec est-ce que cela t’intéresse

Coupez.

 il verse encore du vin la parole est coupé à chaque fois sa parole s’affirme dans la bouteille il tient la bouteille dans sa main et remplit tous les verres de la table, oui bois, ou encore, apprends à boire pour ne pas devenir saoule, c’est une tradition, ne pas se faire tromper, demain c’est la journée du supermarché, à quelle heure vous y irez,  elle le répète encore je lui répète encore la même réponse, il aimerait la faire taire mais ne sait pas comment et son ventre explose trop de glace j’ai mangé trop de glace,  il a gouté d’abord la glace à la fraise, puis le parfait, la glace d’amande et de crème fraîche, oui je vais aussi goûter cela, tout monter, tout tourner délicatement, tourner  encore, elle te dit toute la recette, enfin oui, je veux bien goûter aussi la glace au pistache, elle ne peut pas se tenir et son ventre explose, elle le dit je me sens exploser, elle arrête de parler du fascisme, du vrai, à l’époque, car, enfin, à l’époque au moins les monuments, les immeubles et ils étaient préparés, compétents, ils. Coupez.

Elle se lève car elle ne tient plus debout, elle dit qu’elle va dormir et que les enfants ça ne sera pas elle à s’en occuper ils peuvent rentrer tard elle dormira et quand je me réveille dans la nuit je vérifie dans le lit, s’ils sont dans mon lit, mais pas avant, ils sont dehors, ils, le bruit des assiettes domine encore sur les mots

A propos de Anna Proto Pisani

Passionnée par la création et l’écriture, j'ai publié des textes et des articles sur différentes revues et les ouvrages collectifs sur la littérature postcoloniale Les littératures de la Corne de l’Afrique, Karthala, 2016 et Paroles d’écrivains, L’Harmattan, 2014. J'ai créé et fait partie du collectif des traductrices de Princesa, le livre de Fernanda Farìas de Albuquerque et Maurizio Iannelli (Héliotropismes, 2021). Je vis tous les jours sur la frontière entre la langue italienne et la langue française, un espace qui est devenu aussi ma langue d’écriture.

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