#03 / Le sac en plastique

#03 / Le sac en plastique

Je ne sais pas. Le sac était par terre. Un sac vide, un sac en plastique vide et transparent. Un sac vide qui allait s’envoler, je le voyais bien… Et j’ai pensé, il faut que je l’arrête dans son envol. Il faut que je l’attrape, que je stoppe sa course de sac vide. Il se remplissait de vent et je pensais il faut je l’attrape ce sac et je me suis dit tiens, je vais le froisser avec mes mains. Le réduire en boule, comme ça. Pour qu’il soit tout petit, là, un sac inoffensif dans ma main refermée sur lui. Je me suis dit je ne vais pas l’attraper par ses anses, mais par son corps rempli de vent oui. J’ai pensé ça. Et je, je, je l’ai attrapé ce sac plastique, et je me suis dit qu’est-ce que je fais de ce sac tout chiffonné maintenant. Et je, je le sentais là, à gigoter et ça me faisait comme un chatouillement dans la main, et je ne savais que faire. Et là je ne savais qu’en faire de ce sac, un beau sac oui, un beau sac tout dégonflé qui ne contenait plus rien, qui ne servait plus à contenir, qui avait perdu son rôle de contenant.
Alors j’ai pensé je vais le réduire en morceaux, je vais lui faire la peau. J’ai rigolé et je me suis dit tiens, quel ramdam il fait à se ratatiner dans ma main ce sac, oui j’ai ri en le regardant se plaindre là, en essayant de recouvrer sa forme initiale de sac plastique destiné à se remplir. Et je me suis dit tiens, il fait du bruit ce sac, qu’il soit vide ou rempli. Et j’ai pensé alors qu’il n’était peut-être jamais complètement vide ni plein, qu’il était un imposteur, un usurpateur. J’ai serré ma main autour de lui, ne sachant comment le faire taire. Et je marchais dans la rue avec mon sac, oui. Car ce sac trouvé au sol à moitié emporté par le vent était devenu mon sac. Et je parcourais les rues sans savoir quoi en faire sinon le malaxer dans ma main et écouter sa musique lancinante. Je me suis dit il grésille… et j’ai pensé à sa surface qui se collait à la peau de ma main, et je malaxais, je froissais le sac en boule dans ma main pour qu’il ne me colle pas. Et je me suis dit ce sac est encombrant. Ce sac fait du bruit dans ma main. Il résiste à ma pression, ce sac ne veut pas être attrapé et mis en boule, ce sac voudrait contenir au lieu d’être pressé et réduit en une masse de plastique mou et froissé. Je ne sais pas. Il était là, par terre, ce sac, avec le vent qui s’engouffrait dedans son corps de sac plastique, utile au vent qui y déposait son souffle, et je me suis dit tiens un sac en cavale, je vais le ramasser.

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