#anthologie #25 | Ryoko Sekiguchi, Odeurs d’une vie


Rhokaya prépare un pot-au-feu, qu’elle mettra dans de grandes barquettes pour les deux jours où elle ne viendra pas. Joséphine hume les effluves qui s’échappent de la cuisine. Les odeurs ont toujours une grande importance, c’est peut-être pour cela qu’elle est devenue fleuriste. Elle a toujours eu une préférence pour les fleurs qui embaument, lys, rose, jasmin, mimosa, muguet… Joséphine n’en a pas conscience, c’est gravé en elle, cela illustre sa vie. Elle a attribué une odeur à chaque époque de sa vie.

Le tabac froid sur les vêtements et la fumée de cigarette ont marqué sa vie étudiante. Quand elle a repris la boutique de fleurs, l’odeur du café, très tôt le matin, et dans l’arrière-boutique. La poussière et la transpiration, de la fin des journées d’été. Le parfum des fleurs quand elle revenait de Rungis la camionnette chargée de fleurs coupées, de feuillages et de quelques plantes en pot.

Puis est arrivée, l’odeur des couches et des rots de nouveau-nés. Très vite est arrivée l’odeur de plastique de la rentrée des classes, quand les filles sont allées à l’école élémentaire de la rue Mademoiselle. La crème solaire et le sel sur la peau pendant les étés Mers les bains, le bitume chaud quand elles rentraient à pied de la plage. Le temps a fusé, elle n’a pas vu les années passer. Bruits de bouche, Joséphine mâchonne son agacement. L’odeur du sang, des menstrues, qu’elle ne regrette pas lui rappelle cette vie passée si rapidement. Malgré son grand âge, elle se souvient encore de cette douleur diffuse dans le ventre et dans les reins qui la faisait s’asseoir dès qu’il n’y avait aucun client dans la boutique. Bruits de bouche. Les souvenirs disparaissent.

Joséphine hume les vapeurs de légumes et d’os à moelle.

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