anthologie #17 | Nul n’est un héros pour son valet de chambre

Est-ce bien indispensable de revenir là-dessus ? C’est vieux. Une autre époque… Vous savez moi le rôle de témoin… Je préfère le titre de badaud à ce compte là… Oui parfaitement, badaud. Ce n’est jamais guindé. Badaud, c’est comme penaud. Ce déjeuner avec Albert C… on le disait, simple, amusant. Et oui… bien sûr qu’il allait volontiers taper le ballon avec les gosses quand l’occasion se présentait. Vous savez, dans ces vieux terrains d’aventure dans le Belleville encore tout dégommé par les restes de la guerre. Simple et amusant… Peut-être oui : avec les hommes. Voilà. C’est dit. On pourrait alors être inclusif, que dire de ceux qui étaient détestables avec tout le monde ? Il ne fallait pas un verre d’absinthe à Paul V pour être imbuvable, c’était spontané, immédiat, l’éclat et l’humeur… Impossible d’en placer une. Je ne foutais plus un pied à la closerie des Lilas. C’était plus simple parfois, avec les femmes quand elles n’étaient pas, elles aussi parfaitement misogynes. Simone de B, m’ennuyait sec sauf quand elle causait randonnée… Cette façon de se balader dans la rocaille avec une brioche au chocolat pour toute pitance… Je la voyais mourir comme ça… pas du tout sur le front espagnol, mais d’une chute stupide au beau milieu des calanques, à côté d’un vieux crouton sec, l’aliment je veux dire… je ne parle pas de Jean-Paul. Avec Marceline, qui ne savait pas encore qu’elle deviendrait Marceline L-I, c’était différent. Je ne saurais dire… Le silence était vorace. De toute façon, j’avais banni très vite aussi quelques années plus tard, l’ensemble du quartier Montparnasse. Je me suis dit, fondamentalement, je hais les écrivains… Vous me direz, des généralités… Peut-être oui… Mais pas forcément mes généralités… C’est que l’on s’attache parfois si vite à correspondre à son propre cliché. Question d’époque peut-être. Ou alors, un mal français ? Je causais avec les amants, les maîtresses, les épouses… Oui… je dis, les épouses… Parce que les époux de ces écrivaines en couple hétérosexuel, me restaient le plus souvent invisibles durant les dîners et autres déjeuners sur l’herbe. Alors si je fouille, peut-être quelques moments de grâce… je ne saurais pas toujours bien distinguer ce qui s’y joue d’amitié ou de sadisme… Que dire ainsi de ces quelques jours de camping avec Samuel B ? Je lui avais dit, tes personnages rampent dans la crasse et dans des lieux impossibles… A toi! J’ai eu des envies d’imaginer Gogo et Didi, verre de rosé à la main et cassoulet réchauffé dans la gamelle de fer blanc et de nuits pénibles sur les sols durs du camp des campeurs de Pornichet. Et puis me viennent enfin ces quelques jours aux côtés de Jacques Henri F à Sérignan… C’était là-bas comme à la maison… Des heures parmi les plantes. Il était intarissable… savait se taire aussi. Là-bas, j’avais pardonné à tous les écrivains je crois. Je m’étais dit oui. C’est cela regarder.

"Des Osmies, habillées de velours mi-parti noir et rouge, se poudrent de pollen la brosse ventrale et font amas de farine dans les roseaux du voisinage. Ceux-ci sont les Eristales, bruyants étourdis dont les ailes miroitent au soleil ainsi que des écailles de mica. Ivres de sirop, ils se retirent du festival et cuvent leur boisson à l'ombre d'une feuille."
Jacques Henri Fabre Souvenirs entomologiques

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?

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