#anthologie #37 | la foi et la loi

JE VIS un type sortir de cet immeuble de la via Monte Nevoso, c’est à Milan, d’autres avant lui d’autres y étaient entrés, ils portaient des sacs, des valises, des caisses. Ils vivaient là ou ailleurs, je voyais dans leurs yeux quelque chose comme de la fierté de l’espoir ou de la peur. C’était assez mêlé, tout allait ensemble il y avait aussi des filles, ils étaient tous jeunes, n’avaient pas trente ans, étaient vêtus comme vous ou moi dans ces époques-là, dans ces époques-là où nous croyions qu’il était encore faisable, qu’il était encore possible, qu’il y avait encore quelque chose. Je les voyais là celles et ceux qui nés quelques années avant moi seulement avaient pris les choses à bras le corps pour qu’il soit encore possible d’y croire

JE VIS sur une terrasse, devant une petite maison de plain-pied, en première ligne assez éloignée du centre de la petite ville balnéaire nommée Terracina, trente bornes de Rome au sud à tout casser, un type qui portait un short et un marcel. Blanc, le marcel. Bleu le short. Des tongs ou des claquettes. Des lunettes de soleil. C’est bizarre parce que je ne le vois pas boire quelque chose ou fumer : il est là, debout, bras ballants regardant le bout de l’horizon, vers le sud. Il s’est marié en mai 45. Ce jour-là, peut-être fin des années cinquante, c’est le 2 août, il fait beau, ce sont les vacances, les enfants jouent dans le jardinet à l’arrière, Eleonora fait la cuisine. Le type est là, il va être midi, son petit sourire peut-être bien, il regarde le bout de l’horizon

JE VIS le taxi jaune s’arrêter à l’entrée du cimetière. En sortir un homme pantalon gris chemise noire qui portait des roses, deux, une jaune, l’autre rouge. Elles étaient plantées dans un pot et de la terre parce qu’il fallait qu’elles vivent. Le pot était rectangulaire et émaillé de vert et d’or. Le taxi patientait, le type était entré, le chauffeur avait coupé le moteur. On n’avait pas le droit de filmer, on n’avait pas le droit d’entrer là pour honorer quiconque, fut-ce roi ou prince. Il y avait là l’ombre des oliviers et des eucalyptus, il y avait les couleurs et l’odeur des lauriers, la porte était peinte de blanc, son fer forgé, ses volutes douces rondes claires douces – j’ai pensé et j’ai repensé à « ces volutes de fumée bleues » mais où était-ce, je ne sais plus exactement, je retrouverai

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

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