anthologie #16 | Le chat

C’est noir, ou plutôt gris, argent. Mais quand on le voit de loin, c’est noir. Là-bas, ça bouge. Ce n’est pas censé bouger. Ici ça ne bouge pas. C’est immobile. On empoigne, on suçote, on brandit, on exhibe, on lance par terre. Tout au plus peut-on se rouler dessus ou dedans. Là-bas, pourtant, ça bouge, entre les objets et masses qui ne bougent pas. C’est gros, on dirait. Ca reste loin. Ca se lèche. Ca met la patte dans la gueule. Ca l’a vu. C’est immobile et ça regarde. Il regarde ce qui le regarde le regarder. C’est long un peu. Quand ça s’approche c’est plus gros. Ca fait de beaux mouvements fluides, avec ces os pointus et saillants, on saura un jour que l’on dit scapula. Pour le moment, tout au plus une forme triangulaire qui se dévoile pour disparaître aussitôt dans le lent mouvement chaloupé des marches félines. Il est un peu plus proche. Assez proche. Immobile. Etendu sur le flanc. Une main empoigne la sienne et ses doigts touchent le pelage. Il ne bouge pas. L’animal est gros, le mot minuscule. Sur le parquet : le chat.

La maison vide paraît petite. Notaires, paperasse, signatures, démarches. Il est seul dans le salon. Une glu de souvenirs le traverse, pâte sensorielle sans mots et sans images, faite de toucher et de lumière. Ses yeux se posent sur le parquet. Pétrie par un mouvement intérieur invisible, la pâte se transforme. Un mélange de ravissement et d’inquiétude filtre d’une source invisible. Loin, très loin sans doute.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?

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