Honfleur. Avril 2015. Milieu de semaine, une semaine de croisière sur la Seine. J’ai quitté le groupe, je flâne sans projets, seule dans les rues fleuries. Un panneau m’attire, une grande poire jaune qui signalise un musée. Intriguée, j’avance jusqu’au portail. Une nouvelle poire, jaune soleil, ventrue, à croquer. Une musique de piano, mélodie limpide, simple, séduisante. J’entre. Dans une pièce sombre, une poire jaune géante flotte dans l’espace, vole dans l’espace, munie de deux ailes longues et froissées comme deux pattes d’araignée. La musique emplit la pièce, à pas mesurés. A côté, une chambre, des vestes accrochées au plafond, des dessins sur les murs blancs, des chaises blancs savamment renversées, nous sommes dans un musée, une mise en scène. Et puis, une nouvelle pièce qui me coupe le souffle, toute blanche, sobre, murs blancs, parquet blanc, tout est blanc dans le rayon de lumière qui vient de la fenêtre. Au centre, un piano blanc qui joue tout seul, les touches se baissent sous des doigts fantômes. Musique de lumière, espace de lumière, clarté et rêve. Entrée furtive d’une silhouette mystérieuse, étrange, chapeau melon, barbiche, pince-nez de travers, un parapluie à la main. L’œil malicieux. Qu’en pensez- vous, monsieur Satie ? Quelle pièce vous ressemble ? On vous dit fantasque. On vous dit aussi plein d’humour. On dit que votre musique est sans fin et sans commencement. Les titres de vos pièces sont étonnants, savants, originaux. On vous dit précurseur, influenceur. Vous avez quitté ce monde il y a 90 ans déjà, on devrait fêter les cent ans bientôt et vous êtes toujours dans ce peloton de modernité, décrié par certains, adulé par d’autres, ce qui, paraît-il, vous laissait froid et plein d’ironie. Votre vie semble pauvre, austère, monotone, votre musique est céleste… Merci, Monsieur Satie …