#anthologie # 5 | protection rapprochée

Je ne les laisserai pas me dicter je me porte bien mes bras mes jambes ne veulent pas se muscler je ne veux pas de membres galbés je ne redresse pas mon dos mes épaules je voûte si je veux je porte si je veux ces vêtements emballants informes enveloppants je ne laisse rien dépasser je ne laisse rien se dévoiler je crache sur qui cherche à voir je veux abriter ma graisse protectrice superposer mes couches épaissir ma peau l’éloigner de mes os de mes veines je ballotte de la peau capitonnée je veux voir les racines blanches de mes cheveux colorés je laisse repousser mes racines blanchies je laisse les mèches envahir mon visage je veux effacer mon visage troubler ses contours les rendre flous et indéchiffrables pour quiconque laisser mon menton disparaître dans mon cou sous des vagues de plis je veux que mes joues soient remplies repues tendues les os rendus insoupçonnables enfouis je ne laisserai personne m’obliger à rentrer mon ventre je veux voir mon ventre devant moi je veux qu’il me précède toujours qu’il m’empêche de voir mes pieds qu’il flotte qu’il gargouille à son aise je veux sentir le rassurant frottement de mes cuisses l’une contre l’autre à chaque pas je ne les laisserai pas me reprocher je veux être inapprochable.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

Laisser un commentaire