#anthologie #25 | carnet des odeurs

Il pleut. Sur le balcon, un garçon de 16 ans qui en fait 13. Il se souvient encore du vendeur qui le dévisageait en achetant le paquet. Ça le hante.  L’odeur de Camel sous la pluie.

Il parlait de langage, de signifiant, de réel. Je ne comprenais pas grand chose. Mais la passion avec laquelle il s’adressait à nous était palpable. Les assiettes sales et froides de repas ne sentaient plus rien, recouvertes par l’odeur de sa parole.

Aucun étrangers aux alentours, vous êtes des odeurs dont je reconnais le visage les yeux bandés. Même dans le noir, vos présences m’inspirent confiance. 

Dans le parking, ça sent soudain l’essence à plein nez. On regarde autour de nous. Une flaque par terre. On marche dedans. Dans la tête, l’image d’un briquer. On suit le trajet du liquide pour connaitre l’origine de l’écoulement. Étrangement, on s’éloigne des voitures. Il s’agit en fait canalisation qui fuit. Nos pieds trempaient dans les eaux usés, pas dans l’essence. D’ailleurs, depuis qu’on est monté, son odeur a disparu, et le risque de s’enflammer avec. Une odeur peut tromper et mener à la fiction.

une grotte, en plein centre-ville, où les mots vous racontent. L’odeur de pierre dans la salle d’attente.

«— Non, pas ici voyons ! Et puis je ne suis pas propre, j’ai peur de sentir mauvais.» « — Je m’en fous…» Je devine ma puanteur. J’ai honte de lui faire subir. J’ai honte à en jouir. Elle le sait…

Galeries Lafayette, au rayon hommes, l’odeur des larcins, de la peur de se faire attraper. 

Le coin cuisine. Des miettes sur la table, traces d’un repas manger à la va vite. Le tableau en cours sur le chevalet. Souvent des masques. Les couleurs sèches sur la palette. L’odeur d’essence de térébenthine.

On s’embrasse souvent en se reniflant par ici. Au lieu de poser ses lèvres, on pose ses narines sur la joue ou les cheveux. L’odeur de son enfant, l’odeur de la crainte de le perdre.

Première nuit ailleurs. Sous le lit, à l’abri du regard de l’ami qui dort à côté, il serre contre son visage le mouchoir imprégné du parfum de sa mère. La distance est un gouffre. L’odeur de l’insomnie.

Dans le vomi retrouver la rose du saké. Souvenir de cuite.

Une écharpe marron qui lui appartenait. Ne pouvais dormir sans. C’est l’odeur dont j’ai le souvenir le plus exact. Je ne sais pourtant où commencer pour la décrire. Ça sentait quoi ? Le manque peut-être.

Dans vin le sous-bois du royaume des feuilles, sur le chemin du pic du Crabère. L’odeur du jeu de piste.

A propos de Anh Mat

Né en 1982 à Toulouse. 24 ans après, départ pour Saigon où je vis et écris. Errances littéraires et audiovisuelles sur le web depuis 2013. « Il y a quelqu’un », nouvelle (revue nerval) « Monsieur M », roman (publie.net) « cartes postales de la Chine ancienne »,poésie (éditions Qazaq) « Retour sur soi » éditions Qazaq » « au sujet de la vidéoécriture » (revue Oeuvres ouvertes) « Người nước ngoài » revue Dires résidence numérique sur Glossolalies.net, programmé au festival « extra LittéraTube », Beaubourg contributeur régulier chez « les cosaques des frontières » anime le site www.lesnuitsechouees.com

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