#anthologie #08 | le roi est mort

C’était seulement lors de notre deuxième nuit passée ici que j’avais remarqué la présence de cette seconde porte dans la chambre. Une table de chevet bien garnie en bibelots ainsi qu’une tapisserie la fondaient dans le décor, et rien dans l’architecture de la maison ne laissait suggérer l’existence d’une pièce supplémentaire. Maude n’avait pas voulu qu’on en discute ce soir-là ; ce n’était pas le moment de lui faire peur, là, juste avant de dormir.

Ce matin, elle est partie travailler tôt. J’ai décroché la tapisserie, posé les bibelots sur le lit, décalé la table de chevet. J’ouvre la porte.

Une gueule sombre et humide. Les murs, le sol sont en pierre. Je passe le seuil. Une légère pente me surprend. J’avance, je descends. Il fait froid. La torche de mon téléphone balaye les parois de ce qui à l’air d’être une grotte — je ne repère pas de traces évidentes d’excavation. Je me retourne et la lumière qui plonge depuis l’entrée est déjà haute et lointaine. Je continue. Un léger tournant s’opère et fait disparaître la vue vers le dehors. Je reviens sur mes pas pour me rassurer, puis reprends la descente. Bien sûr, mes pas sonnent fort. Je m’arrête pour écouter et ne distingue plus le ronronnement de la highway. Pas de bruit de rats non plus. J’essaye de dessiner une image mentale de comment ce tunnel peut s’imbriquer dans l’anatomie de la maison ; sans succès. Les parois sont si humides qu’elles en deviennent gluantes. Le temps se tord et je ne sais pas depuis combien de temps je descends. Peut-être dix minutes, peut-être le double ; l’horloge de mon téléphone ne fait pas sens. J’ai peur. Le cône lumineux de ma torche butte contre un mur. Un cul de sac ; le bout du boyau. Je scrute l’endroit mais n’y trouve que de la pierre. Un éclat. Je m’approche. C’est une couronne. Une couronne toute simple, en métal jaune, sans pierreries, sans perles, sans gravures ni dentelles. Un cercle d’or, terne et doux, duquel naissent ce qui pourrait rappeler des vagues ou des feuilles de chênes. L’objet est lourd et je sais que l’or n’est pas si dense. Malgré sa sobriété presque austère, je suis convaincu de sa valeur. Mes connaissances de l’Histoire et plus encore de l’orfèvrerie sont trop minces pour m’évoquer une époque. Je me couronne.

A propos de François Tastet

J’ai trente-deux ans et j’enseigne les sciences naturelles à Paris. J’ai grandi dans la région bordelaise, près de l’océan. C’est la discipline de fer dont j'habille ma pratique de l’écriture qui apaise mes démons, règle mes journées et me fait voir le beau. Pour écrire, il me faut : lire, aller au cinéma, marcher seul loin de la ville et savoir mon corps capable de mouvements compliqués. Certains de mes textes ont été édités dans des revues à très petit tirage. Je brouillonne dans des cahiers d’écoliers dont on peut consulter certaines pages ici https://cahierdetravauxpratiques.notion.site/Cahier-de-travaux-pratiques-v-2-711e5b0ec46f45889271102f9b69e8e8.

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