pas un endroit pour attacher la bicyclette; à dix-huit heures c’est une marée humaine, la mer raccourcit la plage, l’humaine la bande de sable jusqu’à l’anse : trois rangées corps contre corps, impressions orange et rouge, comme le drapeau qui flotte et donne la mesure du danger. Côté phare , un blockhaus surnage et la digue prend l’eau; voir des gens remonter le nouvel accès plage, d’autres descendre, ceux qui montent penchent vers l’avant, ils ont dans l’effort une forme de ressentiment, chargés à bras raccourcis ; planche, parasol, bouée… là c’est la mère qui porte, robe poncho, glacière et panier ; son chiard obstrue le passage, bien en chair, dans les trois ans, il crie, il trépigne ; un homme dresse le bras, je me demande s’il va frapper : le « chien prend un coup sur la truffe, pourtant c’est écrit : « chiens interdits » ; un couple en surplomb regarde et part à reculons, tout ce monde ce soir c’est un vrai repoussoir ( dans le vers « chaque fleur s’évapore comme un grand encensoir », ici ce soir il y a quelque chose de pourri ); un sauveteur, jumelles en main scrute la plage ; deux autres, maillots jaune fluo et combinaison noire prêts à bondir, ont de l’eau jusqu’aux genoux. Flotte un parfum de crème solaire et de sueur. La bande son est polyglotte : les anglais crient, les Américains crient, les Allemands aussi – qui a gagné demande quelqu’un avec un accent. Si on s’ennuie on peut dénombrer les Espagnols – le fait qu’on n’entend pas ou plus le cri des mouettes, leurs ailes en pagaille. Les mains ont des téléphones, des raquettes, des livres. Deux femmes aux seins nus, l’une s’appuie sur son coude, elle tient un livre à couverture rouge – la couleur de la robe dans le rêve qui a viré au cauchemar hier et je me suis réveillée à trois heures avec l’envie de boire et d’uriner– , l’autre à plat dos regarde le ciel; un homme fait la planche sur le sable, une fille la roue, ( il n’y a pas de paon comme dans la nouvelle ou le moulage des dents trône sur le téléviseur) ; l’ado qui a gardé ses baskets téléphone on dirait qu’elle pleure; les ballons volent ronds et ovales, on voit des châteaux plus ou moins écroulés, la mer avance encore ; une femmes dans l’humide comme échouée, blanche, bras en croix, un enfant à quatre pattes lui monte sur le ventre – le fait que remonter à l’origine n’est pas le but; s’enfouir plutôt. Un couple âgé se tient par la main ( on se souvient qu’on a aimé) pour avancer vers l’eau où les vagues déferlent par jeu de trois
4 commentaires à propos de “#anthologie #32 | plage”
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« la mer a raccourci la plage, l’humaine la bande de sable ». Merci Nathalie. J’adore : « Si on s’ennuie on peut dénombrer les Espagnols »
pris et repris ce texte et toujours pas compris ce que je faisais l… Merci Ugo pour le retour ( enfant on comptait les voitures et els moustaches derrière le pare brise)
Malaxer et remalaxer l’image, elle en révèle de curieuses couleurs. Reste de l’étrange. J’aime.
Les mains ont des téléphones, des raquettes, des livres. j’adore!
Je crois que tu t’efforces de nous dégouter de la plage, non?