#anthologie # 31 | À toi de croire mes paroles

Tu me voulais contraire à ce qui est enfoui ; du côté de la légèreté, de la subtilité, de l’éphémère, aussi disais-tu, l’éphémère garant de la sincérité, arguant de ces instants fugaces où l’essentiel peut s’avouer quand on sait qu’aucun lendemain ne nous exposera aux conséquences de nos aveux, mais aujourd’hui, regarde d’où je te parle… Que tu considères la terre où l’on m’a déposé ou le cosmos auquel tu me crois réunifié, c’est bien l’éternité maintenant qui leste mes paroles. Le fugitif relégué où toute fuite serait une gageure que l’on s’en tienne à la glaise qui colle à mes os ou à l’univers dont je renonce à trouver la sortie. A toi par conséquent de croire à mes paroles ou de mettre en doute cette authenticité qui t’est si chère, compte tenu des circonstances. Depuis mon ermitage, je contemple les vivants de ce monde, observe leurs bassesses, leur goût du drame et de la stigmatisation, leur nécessaire ostracisme… oh ! je n’ai pas échappé à cela, je te rassure, j’ai contribué de mon écot ravageur, alors que jeune et arrogant… c’est à la vieillesse – et à la mort aujourd’hui sans doute – que je dois d’avoir gagné en sagesse, après m’être cassé les dents, après avoir bâti des cathédrales dédiées à la confiance, à la confidence, à la spontanéité, à la force des mots, au prix de la bêtise souvent. Je n’accuse donc pas. Je suis du bon côté, par la force des choses. Et d’ici, je peux voir – l’avantage du lieu –, dessous les mesquineries, combien de peurs, de regrets, de discours flamboyants en guise de justification… autant de marche à reculons au tréfonds de soi, malgré les grandes gesticulations, pour finir par tourner la tête en tous sens à la recherche d’une approbation. Sais-tu qui repose désormais au fond de la terre, sais-tu qui était Cippe, l’as-tu cerné enfin ? Tu l’esquives, tu le bouscules, tu ne peux plus jouer des coudes avec moi, à moins de me rejoindre, et nous entamerons une discussion peut-être, et peut-être n’auras-tu pas le dernier mot, comme ici tandis que tu frappes ton clavier en m’écoutant monologuer. Tu me voyais aérien, pas gisant pas orant pas priant écrivais-tu, pas transi. Je suis tout cela à la fois aujourd’hui. Retourné à l’êtreté dont nous sommes tous sortis en pleine inconscience de ce qui nous arriverait en ce « bas-monde »… Et gisant aérien tant l’esprit se moque bien du corps pourrissant, retourné à la terre. Transi je le suis devant la monstruosité du monde, content de l’avoir quitté, mais inquiet de votre devenir, à vous qui finirez pas massacrer l’idéal qui traîne encore dans quelques poings levés, quelques slogans, quelques banderoles.

Sans scrupules, ce texte de 2019, en effet, totalement oublié !

A propos de Marlen Sauvage

Journaliste longtemps. Puis dans l'édition. Puis animatrice d'ateliers après une formation Elisabeth Bing et DUAAE à Montpellier. J'anime encore quelques stages d'écriture, ai contribué aléatoirement au site des Cosaques des frontières, publié quelques livres – fictions et biofictions – participé à plusieurs ouvrages collectifs. Mon blog les ateliers du déluge.

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