# Anthologie # 31 | Disparaître

En lien avec la #26|la chambre

Et lui de se dire, peut-être, lui muet pour les autres comme pour moi : si ce foutu cancer ne m’avait pas fait cloche patte, j’aurais mis au point ma disparition. De toutes façons, je ne voulais plus de cette vie, j’en avais fait le tour, rendre des comptes, me battre avec ma femme, perdre la moitié de tout ce que j’avais si je divorçais, ne pas pouvoir rendre vraiment heureuse ma maîtresse, me faire avoir par les banques, par la retraite, être considéré comme un porte monnaie, comme une vache à lait par mes enfants. Oui j’aurais organisé une disparition, plus de trace de moi, plus de nouvelles, plus de mouvement de compte, plus de portable, changer de pays, brouiller les pistes, m’inventer un scénario, je sais très bien écrire des scénarios, une nouvelle vie, un nouveau passé. Ne jamais regarder en arrière, je suis très bon aussi pour ça, j’avance toujours tout droit et ne me retourne jamais, sur rien ni sur personne. Bon ben là dans un sens mon cancer m’a sauvé, je pars dans la normalité, un départ accompagné de chagrin pour mes proches, j’aurais préféré la disparition, laisser derrière moi des questions plutôt que des larmes. J’entendais son mal respire, ses poumons encombrés, chaque respiration semblait douloureuse et lui demandait de la force, la force qui le quittait. Dans la chambre les volets avaient été baissés pour faire taire la chaleur. Dans la chambre silencieuse, j’entendais le vacarme de la vie qui le quittait et je faisais mienne la paix que je lui souhaitais.

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