DES 27 SEPTEMBRE

27 septembre 1969 

Début d’un roman parmi d’autres en cette rentrée : «Avoir 18 ans à la rentrée 69 ? C’est mon cœur qui a battu tout cet été pour cette musique à Woodstock comme si j’étais allée nager dans ses eaux et pourrai la vivre maintenant pour toujours ! En revanche, pas-de-loup que ceux de Armstrong sur la Lune, je manque de cet imaginaire-là. En tous cas, fin des années-famille ! Et inscription à la fac pour aller y voir chez Duras, Beckett, Char ! Et après, chercher un travail pour un studio ! Et aux orties la menace fille-mère ! bien plutôt l’amour fou à la Breton ! Alors écrire à l’Écureuil, en face de Jussieu, parmi ces gens qui parlent, qui vivent, à boire un café amer pour être plus jolie, plus légère, et commencer.»

27 septembre 1985 

Eparpillés, une dizaine, autour de la maison, dans les prés, les bois, assis, couchés le nez en l’air, à chercher des haïkus, comment c’est fait, comment ça fuse, comme l’empaumer, ce rien subtilisé au rien, à peine jailli perdu. Loin pas loin ? Ici le long de la tige, là-bas crocheté au bec d’un merle qui l’emporte, dans ce nuage, sur le bout de mon nez ? Et les autres à déambuler égarés, à chercher le haïku depuis longtemps depuis toujours. Tous revenus bredouilles, secret intact. 

27 septembre 2000 

Matinée tranquille dans la rousseur de ce tendre automne. Une maison, un jardin, à une heure de Paris, des enfants qui grandissent et me laissent un peu libre. L’écriture m’est de nouveau possible grâce aux ateliers par mail. Un temps à thé et à bougie, pour cette journée prise sur le travail. Les chênes tombent leurs feuilles, dans un mois, les ramasser. Une ombre cependant. La tempête de l’hiver dernier. Inquiétude sourde. Pas un incident de parcours comme l’inondation de 1910. Bien fait senti, bien fait saisir qu’on n’en a pas fini, que ça ne fait que commencer. La douceur, presque langueur s’éloigne, remettre la veste, aller chercher les pommes pour les étaler dans le cellier, on verra ce que l’année réservera. 

27 septembre 2009 

L’ombre a grandi, obscurcit notre présent, gagne l’avenir proche. Du temps de la guerre froide, la science-fiction avait halluciné une Terre après la bombe atomique. Un air irrespirable, les humains réfugiés sous terre, ou dans des capsules cosmiques. Ou encore errant dans des villes dévastées, univers apocalyptiques, où se côtoient individus paumés, gangs, trafics, électricité déglinguée, la déglingue généralisée. Maintenant, étape intermédiaire : une partie des hommes reflue vers l’autre, chassée par les guerres et le temps qu’il ne fait plus et le dieu homme dresse des listes toutes les nuits de ce qui doit disparaître au matin. Préférable de vivre : en ville où spectacle de nos semblables à la rue, à la campagne où la nature spoïlée ? Où jeter les yeux ?  

27 septembre 2015 

L’immarcescible est un leurre

Autant

Que son nom

Est poseur

Le Soleil, bientôt bouillie

– Dans 4 milliards et demi d’années,

Même ce Seigneur mortel !

Et le Cosmos n’a pas fini de s’agiter

De s’arrêter et de recommencer

Jusqu’à ce qu’il revienne comme avant l’éclosion :

L’immarcescible qui n’a jamais été

Et n’est pas pour demain

Comment l’espoir ?

27 septembre 2019

Il pourrait être temps de résumer :

Je suis sortie faire un tour sur terre : Je suis sortie j’ai respiré j’ai pris la place qu’on m’accordait c’était dur je ne me connaissais pas j’ai mis du temps à me connaître, et pour la trouver, basique, j’ai vécu sous des ombres puissantes j’ai été habitée d’une colère dévastatrice j’ai été acharnée impuissante j’ai dormi des années j’ai pleuré des lacs j’ai foncé petit soldat j’ai été souple -trop j’ai été rejetante -trop je suis dans l’in-pathein et je consacre la décennie suivante à essayer de comprendre ce que j’ai vécu je vais de mieux en mieux alors que le monde empire qu’est à regretter ? Avant le monde allait mal je ne le savais pas et du coup j’étais bien même si je ne l’étais pas

D’un autre côté, dans ce fatras universel, quel sens la joie, la joie profonde, en l’occurrence à moi donnée, d’une naissance ? Cela s’inscrit pourtant en ce jour de l’année 2019