Vous avez quelques taches brunes. Soleil, vieillesse, je ne m’inquiète pas. J’ai l’âge. Je vous touche quand je veux me parler, je ne trouve pas d’autres mots. Je vous touche pour vérifier, animées au bout de mes bras. Je vous pose sur mes genoux et j’ai l’impression de me faire modèle sans peintre en face. J’ai l’âge et vous commencez à trembler. Je ne suis pas malade, mais vous tremblez et perdez parfois les objets, j’ai l’âge et les objets se perdent, me tombent des mains. Mes mains lentes comme la tranquillité.
Dix ans plus tôt. Vous caressez les matières comme pour fixer les souvenirs. Je n’ai pas encore l’âge et j’ai peur d’oublier ; je vous regarde me rappeler vos gestes, récits marqués sur la peau, qu’importe la mémoire. Dix ans de moins, vous me retenez quand je doute. Vous m’êtes ronde verticalité. Vous avez toujours bougé, vous me précédez, marquées de gravité.
J’ai vingt ans de moins, je vous occupe. Mes fiables, mes responsables. L’une de vous m’écrit. L’autre, indispensable, se fait discrète. Vous à l’avant de mon corps quand je cherche dans le noir. Réconfort et soutien quand je pense à l’après.
J’ai la vingtaine, vous connaissez mes tics, m’anticipez, parfois trop. J’ai dix-sept ans et des larmes cachées. Vous seules de si près. J’ai six ans, doigts pataugent dans la pâte, la cuisine sent le gâteau déjà. À trois ans vous me tenez debout, mes pieds ne suffisent pas. J’ai quelques mois et toute ma force pour serrer quand vous vous agrippez. Je ne suis pas née, je tâtonne par vous contre l’indistinct de toujours.