« Tenir le ténu » : vers une herméneutique de la contribution en ligne (LONDON, 2019)

Dans un article de 2013 de la Revue de la langue poussée (« Tâtonnements de Mateo London et Ateliers Tiers Livre », p. 23-46, repris dans BAUDOU, 2014), le jeu de miroir et de superposition des plans d’immanence (réminiscence / anticipation, angoisse / espoir, appels / main dans les cheveux), jeu dont les textes numéros 5 et 10 du tapuscrit original sont paradigmatiques, est analysé de façon globalement satisfaisante (TRICHET, 2016). On y retrouve les caractéristiques principales de ce qu’il convient d’appeler, avec Fabrice Duic (DUIC, 2015), un « vertige mesuré dans lequel une retenue périlleuse prépare un plongeon qui n’aura pas lieu » : nuits pluvieuses de l’enfance de l’auteur, anticipation des ruines à venir que le chaos climatique et environnemental annonce et prépare, consolations proportionnellement dérisoires, fil tenu et ténu du « ce qui nous fait tenir à même le texte » (pour reprendre la formule suggestive de Jocelyne Benoist, BENOIST, 2016), rapidité des flashs et juxtaposition d’éléments incongrus voire contradictoires : tout chez Mateo London suscite un espoir porté par la seule énergie d’un désespoir sans cesse étouffé. Quelle belle âme !

Dans le texte 5 le narrateur devenu père rassure sa fille tourmentée par les images masse-médiatiques d’une Amazonie en flammes. Quant à la grand-mère à l’hôpital, il est admis depuis les travaux minutieux de Duc-Ta (DUC-TA, 2013) qu’elle n’est source d’angoisses que périphériques. (La distinction entre central et périphérique est globalement bien circonscrite par Duitou dans un texte à paraître en 2020 chez Littéral ; nous remercions au passage Paul Duiton et les éditions Littéral pour nous avoir permis d’en consulter le BAT aux archives Louvain au cours de la canicule 2019.)

Mais demeure la question principale et, oserait-on dire, de fond : à quoi bon et à quoi riment ces sécrétions textuelles ? Dans les termes de l’analytique comparée nous demanderons : Quelle fonction – si tant est que fonction il doive y avoir (SEPPA, 2003) – attribuer à (ou identifier via) ces textes ? Pour vulgariser le propos et ouvrir l’accès à l’étonnement socratique même aux illettrés, aux sans-dents et aux illettrés sans-dents (selon la typologie du vulgaire établie par Becq dans BECQ, 2014) : De ces textes que faire ? Pour mon boulanger  : Quel repos et comment et pour quel levain ? Mais enfin (LAGAFFE, 1968) : de ces textes qui en a que faire ?

Or Groua (GROUA, 2014) est peut-être celui qui sur tous ces points est allé le plus loin. Selon l’universitaire suisse-américain en effet Mateo London gagnerait à se taire. Ou bien, ajoute-t-il : « à être clair ». Et de conclure : « Regardez-moi ! » (Ibid., p. 135).

A propos de Mateo London

J'aime lire, marcher, me promener à vélo. J'aime raconter des histoires. J'aime les contes orientaux. J'aime la philosophie. J'aime un peu la poésie sonore. J'aime travailler. J'aime apprendre. Il y a aussi plein de choses que je n'aime pas. http://mateolondon.wixsite.com/mateolondon

2 commentaires à propos de “« Tenir le ténu » : vers une herméneutique de la contribution en ligne (LONDON, 2019)”

  1. Enfin une véritable étude circonstanciée à la conclusion limpide. Le ténu n’a qu’à bien se tenir (BERGER, 2019).